Dans l’un de ses avertissements les plus fermes et dissuasifs à l’encontre des forces séparatistes taïwanaises, l’Armée populaire de libération (APL) a mené, les 1er et 2 avril 2025, un vaste exercice militaire autour de l’île, baptisé Tonnerre du détroit – 2025A.
En parallèle, l’armée chinoise a diffusé une vidéo intitulée Soumettre les démons et vaincre les maux, dans laquelle elle affirme que la puissance militaire écrasante de la Chine est en mesure d’« anéantir » les séparatistes de Taïwan, qualifiés dans cette mise en scène de « démons encordés ». Par la voix d’un porte-parole du Bureau des affaires taïwanaises du Parti communiste chinois, Pékin a averti que proclamer l’indépendance reviendrait à « déclencher une guerre » et à exposer la population taïwanaise à un « conflit armé périlleux ».
Nature des manœuvres
Les exercices de grande envergure ont mobilisé des dizaines d’avions et de navires de guerre dans le cadre d’opérations conjointes des forces terrestres, navales, aériennes et de missiles. L’objectif : exécuter des frappes de précision sur des cibles maritimes et terrestres, perturber les lignes d’approvisionnement en énergie et empêcher l’aide militaire étrangère aux séparatistes taïwanais. L’APL a également mis l’accent sur le renforcement du blocus naval, avec des opérations d’identification, de dissuasion, d’interception et de détention.
Fait notable, le porte-avions CNS Shandong a été déployé pour simuler des frappes ciblées à l’est de Taïwan, ainsi que pour capturer d’éventuels séparatistes tentant de fuir après une confrontation armée. Ces manœuvres ont aussi inclus des tirs réels à longue portée en mer de Chine orientale, visant à neutraliser des infrastructures vitales telles que les ports et les installations énergétiques.
Le Global Times a rapporté que des équipements militaires de pointe ont été employés, notamment les missiles balistiques antinavires YJ-21, lancés depuis des bombardiers H-6K, certains capables d’emporter des charges nucléaires.
Cet exercice s’inscrit dans la continuité des manœuvres chinoises entamées en août 2022, après la visite controversée de Nancy Pelosi à Taïwan. Il fait suite aux séries d’exercices Common Sword menés en 2023 et 2024. Leur but commun, selon les experts militaires chinois : dissuader les dirigeants du Parti démocrate progressiste (DPP) taïwanais et souligner la détermination de Pékin à défendre sa souveraineté face à toute tentative sécessionniste.
Double objectif
L’exercice « Tonnerre du détroit – 2025A » vise un double objectif : adresser un avertissement clair au président taïwanais Lai Ching-te, et tester les intentions du président américain Donald Trump, revenu au pouvoir en janvier 2025.
Depuis son entrée en fonction en mai 2024, Lai a multiplié les déclarations perçues comme provocatrices par Pékin. Lors de son discours d’investiture, il a affirmé que « les deux rives du détroit ne dépendent pas l’une de l’autre », assombrissant davantage les relations avec la Chine. Lors d’une escale à Guam, il a évoqué une stratégie de défense commune face à la Chine, signalant son intention de faire de Taïwan un bastion de confrontation en Asie-Pacifique.
Plus récemment, Lai a lancé une doctrine dite des « dix-sept stratégies », qualifiant les relations sino-taïwanaises de « hostiles ». Le 13 mars 2025, il a même qualifié la Chine de « puissance étrangère ennemie » — une première à ce niveau de responsabilité.
Tester l’administration Trump
Le second objectif de Pékin serait de sonder les intentions stratégiques de Donald Trump, qui semble entretenir une politique de « flou stratégique » envers Taïwan. L’absence d’une ligne claire au sein de son administration pourrait inciter Pékin à accélérer ses démonstrations de force.
Plusieurs éléments ont contribué à cette décision chinoise :
- Le changement de rhétorique américaine, avec la suppression sur le site du Département d’État des références à l’opposition à l’indépendance de Taïwan, et le soutien au communiqué du G7, qui n’a pas réaffirmé le principe d’« une seule Chine ».
- La tournée asiatique du secrétaire à la Défense Pete Higgsyth, marquée par des critiques envers Pékin et l’annonce de la création d’un centre de commandement militaire indo-pacifique au Japon.
- Une note stratégique confidentielle, révélée par le Washington Post, détaillant les mesures pour contrer une éventuelle attaque chinoise, dont le renforcement de la présence militaire américaine dans la région et la constitution de stocks de munitions stratégiques.
Controverse et réactions internationales
Taïwan a vigoureusement condamné ces exercices, les qualifiant de menace directe contre la paix régionale. Washington a accusé Pékin de « mettre en péril la sécurité régionale », tout en réaffirmant son « engagement indéfectible envers ses partenaires et alliés, y compris Taïwan ». L’Union européenne et le Japon ont également exprimé leurs préoccupations, dénonçant toute tentative de modifier le statu quo par la force.
Pékin, de son côté, a réaffirmé que la question taïwanaise relevait exclusivement de sa souveraineté nationale, rejetant toute ingérence étrangère. Le ministère chinois des Affaires étrangères a averti que toute provocation en faveur de l’indépendance de Taïwan entraînerait une réponse ferme et continue.
Conclusions
Plus que jamais, l’exercice Tonnerre du détroit – 2025A démontre la capacité de l’APL à encercler et isoler Taïwan par des moyens militaires. Il s’agit là d’une stratégie de dissuasion visant non seulement les dirigeants taïwanais, mais aussi leurs alliés occidentaux.
Plutôt qu’une invasion directe, la Chine semble privilégier une stratégie d’asphyxie progressive par le blocus, moins coûteuse militairement et plus difficile à contrer pour les États-Unis. Une telle stratégie maintient une ambiguïté sur les règles d’engagement, forçant Washington à révéler ses véritables intentions.
En définitive, les prochains mois seront cruciaux pour observer l’évolution de la posture militaire américaine et celle de ses alliés asiatiques. S’ils souhaitent défendre réellement Taïwan, ils devront dépasser le stade des déclarations pour adopter des mesures concrètes — quitte à franchir une nouvelle étape dans la confrontation avec Pékin.

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