L’origine de la pensée stratégique remonte à la pensée chinoise dans les écrits du philosophe et commandant militaire Sun Tzu. Cette pensée était entrelacée avec les philosophies dominantes de l’époque, les plus notables étant le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme. Les deux philosophies – le taoïsme et le confucianisme – ont eu des implications pour la stratégie chinoise, et aujourd’hui encore, la Chine puise dans la philosophie taoïste sa tendance à la paix et à la non-intervention dans les affaires internes des autres pays, et dans le confucianisme comme outil pour remodeler l’image du système.
La question principale de ce document est : Dans quelle mesure ces deux philosophies ont-elles influencé la pensée stratégique chinoise ? 1 – Que signifie “stratégie” ?
Le Prof. Dr. Mahrez Al-Husseini déclare que la stratégie est : “un but et des moyens, et une méthode pour utiliser ces moyens à tous les niveaux” [1]. Elle se divise en stratégie nationale et stratégie militaire. Notre focus ici est sur la stratégie militaire, qui est l’art d’employer les capacités militaires d’un État pour atteindre l’objectif politique de la guerre. Ainsi, la stratégie est basée sur le concept de capacités et de contraintes. Pour clarifier la signification, nous devons nous référer à l’origine du concept dans la philosophie chinoise. Par conséquent, nous allons examiner plusieurs dimensions fondamentales dans cette analyse :
Philosophie taoïste et ses contributions à la vie sociale et politique chinoise.
Philosophie confucianiste et ses contributions à la vie sociale et politique chinoise.
2 – Philosophie Taoïste
Le concept du Tao dans la philosophie de Laozi fait référence au principe ou au destin. Le Dictionnaire Océan Chinois le définit comme la loi naturelle ou l’entité intrinsèque des choses – le principe, l’essence et la nature intérieure qui anime tout. C’est une philosophie mystique exprimée sous forme poétique mais qui ne s’écarte jamais des exigences de la nature et de l’univers.
Le taoïsme est considéré comme la première philosophie naturelle ou tentative d’étudier le monde physiquement d’une manière philosophique. Laozi, le pionnier du taoïsme, a indiqué que le Tao est le principe de l’existence. Ils étaient préoccupés par la manière dont les êtres émergent du ventre du Tao. Ainsi, le Tao en tant que chemin et réforme est une croyance religieuse-philosophique qui a émergé au VIe siècle avant J.-C. et a été fondée par Laozi dans le livre Tao Te Ching (Le Livre de la Voie et de la Vertu).
Le taoïsme se divise en deux types : (1) Taoïsme religieux et (2) Taoïsme philosophique – il est donc à la fois une religion et une philosophie.
L’indication que le taoïsme est une religion réside dans les principes des taoïstes. Laozi croyait que la bonté réside dans l’esprit, la modération, le pardon, la tolérance avec les gens, et ne pas rendre le mal par le mal, mais plutôt par le bien – ce qui est la forme la plus sûre et la plus parfaite de l’existence humaine. Ce sont des principes proches des croyances religieuses. Cependant, ici, nous nous préoccupons du taoïsme philosophique, et non du taoïsme religieux. Première : Comment atteindre le Tao (Connaissance Mystique)
La vérité ou la connaissance, selon les taoïstes, ne peut être atteinte par la raison, la connaissance analytique, ou la logique, mais par l’auto-apprentissage et la révélation mystique (inspiration). D’où le lien avec le soufisme, et le mysticisme est le seul chemin vers la connaissance selon les taoïstes. Deuxième : Les Piliers Philosophiques les Plus Importants de la Pensée Taoïste
Le taoïsme repose sur l’idée de la nature absolue. Ils ont souligné que pour atteindre un état d’harmonie et de succès, la pensée et le comportement d’une personne doivent s’aligner avec la nature et ses lois. Il s’agit essentiellement de revenir à un mode de vie naturel et d’adopter une attitude passive envers la civilisation et la modernité. Par conséquent, le taoïsme ne croit pas à l’inégalité d’État ou de classe, mais considère plutôt que tous les humains sont égaux et que personne n’a le droit d’imposer sa volonté aux autres.
Le taoïsme accorde une importance primordiale à la nature et à ses éléments – le mouvement de l’univers, le soleil, la lune, les étoiles et les planètes dans des orbites fixes. Sun Tzu a mentionné dans L’Art de la guerre que la guerre doit commencer d’un point élevé : “Montez sur une montagne et gardez le soleil derrière vous.” Troisième : Contributions du Taoïsme (Réalité, Points de Vue Sociaux et Politiques, Guerre)
Le but du taoïsme est d’atteindre la perfection en soi-même. Il est évident qu’ils rejettent le monde extérieur et se concentrent sur le monde céleste et la loi suprême. Le taoïsme appelle les humains à se libérer du mal, de la colère, et de la violence. Il repose sur deux forces opposées (Yin et Yang) – tout cherche l’équilibre entre elles pour atteindre l’harmonie avec le Tao et l’unité souhaitée.
Yin : Force négative (Lune – Obscurité – Féminin)
Yang : Force positive (Soleil – Lumière – Masculin)
Cela est évident dans les œuvres des deux plus grands philosophes taoïstes, Laozi et Zhuangzi, qui ont tous deux exploré les dualités dans l’univers (bien et mal). Les enseignements de Laozi soulignent “l’unité des opposés” : “L’être et le non-être naissent l’un de l’autre, tout comme le difficile et le facile se complètent…” Taoïsme et Réalité
Le taoïsme n’encourage pas à changer la réalité, mais appelle plutôt à suivre les lois de la nature sans interférer. Il encourage l’harmonie entre la pensée et le comportement humain avec la nature. Cela se reflète dans ses enseignements : “Le mouvement humain est comme l’eau coulant de la montagne. S’il rencontre un obstacle, il ne l’enlève pas mais s’enroule autour” (c’est-à-dire, ne changez pas). Points de Vue Politiques et Sociaux Taoïstes
Le taoïsme contient de nombreuses idées politiques, éthiques et économiques concernant les États, les dirigeants et les gouvernés. Il rejette la discrimination de classe, car toutes les personnes sont considérées comme égales : “Car le ciel ne fait pas de distinction entre une personne et une autre.”
Le taoïsme s’est développé en tant que système religieuse-philosophique et s’est répandu parmi le peuple au IIe siècle après J.-C., grâce au mouvement de la “Grande Paix”. Le “Nouveau Taoïsme” a émergé au IIIe siècle après J.-C., parallèlement à la montée de plusieurs écoles intellectuelles. Le régime communiste sous Mao Zedong en 1949 a réprimé toutes les religions, y compris le taoïsme. Cependant, depuis 1976, des attitudes plus tolérantes envers les religions ont commencé à apparaître après la mort de Mao. La culture taoïste a eu un impact profond sur la Chine, pénètre la plupart de ses communautés et classes sociales. Taoïsme et Guerre
Les taoïstes se penchent toujours vers la paix. Ils reconnaissent que la guerre ne peut être totalement éliminée, mais lorsqu’elle se produit, elle doit se dérouler selon des normes humanitaires. Le taoïsme croit en l’humanité et ne tolère pas le sang versé :
“Ne combattez pas les gens… Éloignez-vous du mal et de la guerre… Soyez doux comme l'eau.”
Le taoïsme critique les guerres, restreint l’esprit militaire, et conseille aux dirigeants et aux rois de ne pas recourir à la violence, d’accélérer la fin des guerres, et de ne jamais se vanter de celles-ci.
Certains des principes de Sun Tzu s’alignent avec la pensée taoïste :
“Le commandant qui gagne une bataille sanglante n'est pas au même niveau que celui qui gagne sans combattre.”
Un dicton populaire parmi les soldats : “Je n'ose pas faire le premier pas… Mais j'aime jouer les invités… Je n'ose pas avancer d'un pouce, mais je suis prêt à reculer d'un mètre… Capturez l'ennemi sans attaque… Armez-vous sans armes.”
Dans le conseil de Sun Tzu : “Vainquez votre ennemi avant de l'attaquer ; la défense est meilleure que l'attaque.”
Cela établit le concept de guerre psychologique dans son sens moderne.
3 – Philosophie Confucianiste Première : Définition du Confucianisme
Le confucianisme est une philosophie éthique et sociale qui vise à définir le comportement humain optimal au sein de la société. Il se compose de croyances et de rituels religieux dérivés de textes classiques qui ont été raffinés et compilés par Confucius, en plus des enseignements moraux, sociaux et politiques qu’il a instruit ses disciples à mettre en œuvre.
Il plaide pour un traditionalisme absolu, un engagement envers les anciennes valeurs, le respect des ancêtres et des parents, et la soumission aux dirigeants. Deuxième : La Vérité du Confucianisme
Les enseignements de Confucius étaient à l’origine destinés à renforcer le contrôle de l’État sur ses citoyens, en réconciliant le ciel et la terre (le séculier et le divin), et l’invisible et le visible. D’où l’importance du culte des ancêtres, du respect des parents et de la soumission aux dirigeants.
Dans ce système, l’empereur – appelé le Fils du Ciel – est le prêtre suprême responsable de la gestion des affaires terrestres. En résumé, le confucianisme est moins qu’une religion et plus qu’un système éthique :
Pour le roi, c'est un art de gouvernance.
Pour les intellectuels, c'est une philosophie morale et politique.
Pour le peuple, c'est un moyen d'exprimer sa loyauté envers la société et l'autorité impériale.
Le confucianisme est éloigné des préoccupations métaphysiques et n’est pas basé sur une croyance absolue ou une classe sacerdotale. Comme tout le reste, il se concentre sur des questions pragmatiques et tangibles, s’efforçant d’atteindre l’harmonie en équilibrant les forces opposées (Yin et Yang) et en établissant un ordre social et politique par le biais des vertus familiales, de l’amour fraternel, de l’éducation et de l’illumination culturelle. Chaque personne devrait occuper un rang social qu’elle mérite, déterminé par des tests mesurant sa connaissance de la littérature classique. Troisième : Principaux Piliers de la Philosophie Confucianiste
Confucius a analysé la nature humaine pour comprendre pleinement les principes guidant les individus à réaliser leurs objectifs. Son but était de comprendre l’homme afin de réformer à la fois l’individu et la société. Il a développé l’idée de l’“homme noble” basée sur la compréhension de ces principes, qui ont ensuite été enrichis par d’autres philosophes et sont devenus une partie du patrimoine culturel de la Chine.
Les principaux principes incluent :
Li : Se réfère à toutes les coutumes et éthiques socialement acceptées – cela signifie étiquette et morale.
Ren (Jin) : Défini par Confucius comme “l'amour pour l'humanité”, signifiant un comportement qui sert le bien public en suivant le Tao. Ren signifie également vertu, humanité, bonté, caractère moral, compassion, et tendresse. Il est considéré comme le sommet de la moralité humaine.
Xiao (Hsiao) : Fait référence à la piété filiale. Confucius croyait profondément que la personne vertueuse est le produit de l'éducation qui mène à des valeurs et traditions nobles. Seule la personne vertueuse peut construire une famille bien structurée, ce qui à son tour mène à une société heureuse. L'obéissance est clé – les enfants obéissent aux parents, les épouses obéissent à leurs maris, et les citoyens obéissent aux dirigeants. Une famille bien organisée est le fondement d'une société ordonnée.
Yi : Signifie droiture ou intégrité – la préparation morale à agir de manière éthique et la conscience du comportement juste.
Quatrième : Confucianisme et Gouvernance
La ville idéale selon Confucius – la “Grande Harmonie” – est basée sur l’égalité complète et ressemble à des systèmes socialistes. Le monde est une république unique, où des individus compétents sont choisis pour gouverner. Le dirigeant porte la plus haute responsabilité morale envers l’État et tire sa légitimité de la confiance publique.
Le dirigeant idéal, selon Confucius, incarne le lien étroit entre l’éthique et la politique. Il est tenu d’atteindre neuf objectifs clés :
Organiser son comportement personnel.
Respecter les individus talentueux.
Éprouver de l'empathie pour les proches et la famille.
Respecter les ministres d'État.
Se présenter comme un père pour le peuple.
Encourager les sciences.
Participer aux intérêts des fonctionnaires d'État et viser à apporter le bonheur…
Références
Philosophies Anciennes Chinoises et Pensée Stratégique Chinoise
L'Art de la Guerre par Sun Tzu (Sunzi)
Tao Te Ching par Laozi (Lao Tzu)
Les Entretiens par Confucius
Zhuangzi (Chuang Tzu) par Zhuang Zhou
Le Livre des Rites (Liji)
Les Sept Classiques Militaires de la Chine Ancienne – Traduit par Ralph D. Sawyer
Le Tao de la Guerre par Ralph D. Sawyer
Stratégie Chinoise et Pouvoir Militaire en 2014 : Perspectives Chinoises, Américaines et Russe par Anthony H. Cordesman
Le Tao de la Politique : Leçons des Maîtres Stratèges de la Chine Ancienne par Thomas Cleary

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