Résumé :
Les changements structurels et de valeurs qui ont suivi les transformations globales depuis la fin de la Guerre froide ont contribué à façonner une société mondiale caractérisée par la complexité, l’interconnexion et l’ambiguïté, où l’intensité des menaces sécuritaires varie d’une région à l’autre.
La structure et la carte des risques et menaces sécuritaires ont évolué d’un modèle traditionnel à un nouveau, souvent qualifié de « menaces asymétriques », et plus récemment, de « menaces hybrides ». Cette terminologie reflète l’augmentation de la complexité, de la dynamique et de l’évolution continue affectant le phénomène sécuritaire dans les relations internationales, découlant des interactions avec les développements concrets, particulièrement en relation avec les avancées technologiques, cognitives et techniques.
En se basant sur cela, l’étude vise à mettre en lumière les transformations ayant affecté la nature des menaces sécuritaires depuis la fin de la Guerre froide, ajoutant l’objectif de diagnostiquer les nouvelles menaces sécuritaires les plus marquantes qui apparaissent dans la hiérarchie des problèmes de la communauté internationale.
Mots-clés : Menace sécuritaire, sécurité nationale, menaces asymétriques, menaces hybrides, transformations internationales, développement technologique et cognitif.
Si la Guerre froide était une source puissante de rigueur et de cohérence idéologique dirigée par les deux blocs (USA & URSS), créant une ligne de faille unique entre les différences dans le système international (communisme socialiste/libéralisme capitaliste), cette nouvelle ligne a commencé à s’effondrer et à se désintégrer à la fin des années 1980 en raison de l’interaction d’un ensemble de facteurs ayant conduit à des changements structurels et de valeurs profonds affectant le système international et les relations internationales.
Cela a également été suivi d’événements épars significatifs ayant laissé des marques claires sur les politiques internationales et sécuritaires, telles que les événements du 11 septembre et les invasions américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. Lorsque l’on examine ces événements dans un contexte sécuritaire précis, on trouve qu’ils expriment une nouvelle trajectoire de la dimension sécuritaire dans les relations internationales, avec de nouveaux concepts, théories, acteurs et menaces sécuritaires qui transcendent le cadre militaire étroit de la sécurité et des menaces, puisque de nombreux penseurs, tels que Barry Buzan et Ole Waever, ont appelé à dépasser la pensée étroite de la sécurité et des menaces sécuritaires, qui se concentre sur la sécurité de l’État et la sécurité militaire, en élargissant cette pensée en cherchant de nouveaux acteurs menaçant la sécurité et de nouvelles menaces sécuritaires.
Dans ces circonstances, nous observerons également que la plupart des discussions d’aujourd’hui dans les cercles politiques et académiques concernent de nouvelles questions sécuritaires caractérisées par une nature asymétrique, telles que le phénomène du terrorisme, la criminalité organisée et l’immigration illégale. Ce sont de nouvelles menaces sécuritaires souvent alimentées par des acteurs de sécurité non conventionnels cherchant à atteindre leurs objectifs souhaités.
Problématique de la Recherche :
Cette étude de recherche tente de construire un cadre cognitif concernant les menaces sécuritaires asymétriques et de révéler les implications intellectuelles les plus significatives, à partir de la question centrale suivante :
Pour simplifier ce problème, il sera décomposé en plusieurs sous-questions comme suit :
- Qu’est-ce qu’une menace sécuritaire ? Quelles sont ses classifications les plus marquantes ?
- Quelles sont les menaces asymétriques ? Où trouvent-elles leur place idéale ?
- En se basant sur les événements survenant dans les relations internationales, quelles sont les menaces sécuritaires asymétriques les plus significatives qui impactent négativement la sécurité mondiale ?
Importance de l’Étude :
L’importance de l’étude repose sur ce qui suit :
Elle tire son importance et sa valeur scientifique et réaliste de l’importance des études sécuritaires et stratégiques dans les relations internationales ; elle tente de transmettre l’idée que la sécurité est une « valeur constante » dans la vie humaine qui doit être préservée par la compréhension des nouvelles menaces sécuritaires et en les reliant aux transformations et développements se produisant dans l’environnement sécuritaire mondial.
De plus, elle est cruciale car elle révèle de nouvelles formes de menaces sécuritaires, à travers lesquelles des questions peuvent être soulevées sur la manière de les contenir et de mitiger leur gravité et leur danger, afin d’atteindre une approche insulaire en matière de sécurité, d’autant plus que nous nous trouvons dans un environnement sécuritaire extrêmement complexe et ambigu gouverné par un état d’« incertitude ».
L’étude représente un nouveau domaine de recherche, coïncidant avec les développements dynamiques se produisant dans l’environnement international, en particulier dans la région arabe.
Objectifs de l’Étude :
Cette étude vise à atteindre plusieurs objectifs, principalement :
- Tenter d’atteindre un cadre cognitif adéquat permettant d’interpréter et d’analyser les menaces sécuritaires asymétriques.
- Étudier la relation entre les variables de menace sécuritaire et les transformations et développements se produisant dans l’environnement international et comment cette relation se reflète sur la sécurité mondiale.
Méthodologie de l’Étude :
L’étude repose sur la méthode descriptive analytique, qui a été utilisée pour identifier et décrire objectivement les caractéristiques et dimensions du phénomène étudié en collectant des faits et des données et en utilisant des outils et techniques de recherche scientifique.
Il convient de noter que cette étude part du général au spécifique, en commençant par clarifier le concept de menace sécuritaire et définir sa nature et ses classifications de manière générale. Elle aborde ensuite les menaces sécuritaires asymétriques, en plus d’étudier les menaces asymétriques les plus marquantes affectant la sécurité mondiale, à l’aide d’exemples et de preuves.
Études Précédentes :
Cette étude a été abordée dans plusieurs études précédentes de façon partielle en tant qu’essai de fournir des cadres académiques scientifiques qui aident à comprendre les nouvelles menaces sécuritaires. Parmi elles, il convient de mentionner un article de Suleiman Abdullah Al-Harbi intitulé « Le Concept de la Sécurité, ses Niveaux, ses Formes et ses Menaces (Une Étude Théorique dans les Concepts et Cadres) », publié dans la Revue Arabe des Sciences Politiques en 2008, dans lequel le chercheur a tenté d’approcher une conceptualisation ou un cadre cognitif permettant de déterminer avec précision les déterminants de la sécurité en étudiant ses dimensions, niveaux et formes. Le chercheur a également examiné la relation entre la sécurité et les menaces.
Un autre exemple est une étude du chercheur Hans Günter Brauch intitulée « Concepts des Menaces Sécuritaires, Défis, Vulnérabilités et Risques », qui constitue une étude analytique détaillée des concepts les plus utilisés lors de l’étude de la sécurité nationale, y abordant les concepts de sécurité, menace sécuritaire, danger et vulnérabilités.
D’autres études et articles traitant des menaces asymétriques et hybrides ont été utilisés dans notre sujet, comme l’étude de Toni Pfanner sur les guerres asymétriques et celle de Frank G. Hoffman sur “Les Conflits au XXIe Siècle : L’Ascension des Guerres Hybrides.”
Structure de la Recherche :
L’étude est divisée en trois sections, en plus d’une introduction et d’une conclusion, où plusieurs concepts tels que menace, défi, danger et risque seront clarifiés. La première section décrira les classifications les plus marquantes des menaces sécuritaires. La deuxième section traitera des menaces asymétriques, tandis que la troisième section inclura les menaces nouvelles les plus notables impactant la sécurité mondiale, telles que le terrorisme transnational, la criminalité organisée, l’immigration illégale, et d’autres.
Comprendre les Menaces Sécuritaires :
Pour aborder le sujet des nouvelles menaces sécuritaires, il est nécessaire d’employer certains concepts fondamentaux qui doivent être scrutés pour leur usage précis et leur compréhension, parmi lesquels les concepts de menace, risque et défi. De plus, il est essentiel de comprendre les classifications les plus notables des menaces sécuritaires et les facteurs qui contribuent à leur définition, permettant ainsi de s’approcher et d’explorer plus précisément ces menaces.
Définition de la Menace Sécuritaire :
Le terme “menace” signifie une tentative d’infliger un préjudice ou de causer des dommages à un certain élément avec l’intention de perturber la sécurité. En anglais, cela est référencé comme “Threat“, en allemand comme “Drohung” ou “Budrohung“. Une menace signifie une intention de nuire ou de punir ou d’infliger des dommages par des actions hostiles contre une personne spécifiée.
Le dictionnaire Oxford décrit une menace comme “une tentative d’une personne ou d’une chose de nuire à la vie des autres,” telle que la pollution menaçant la vie des animaux et des humains.
En termes de signification étymologique du terme, le mot menace a un sens relativement nouvellement établi au niveau académique. Les menaces auxquelles les États faisaient face précédemment tombaient dans le cercle militaire étroit de l’origine extérieure. Cependant, avec la complexité croissante des phénomènes de sécurité en raison des transformations structurelles et de valeurs survenant dans les relations internationales suite à la fin de la Guerre froide, le champ des menaces s’est élargi pour inclure des menaces économiques, sociales, culturelles et environnementales, n’émanant pas seulement de l’extérieur, mais aussi à l’intérieur. Cela a conduit à l’émergence de divers niveaux (individuel, régional, international, etc.) et à donner naissance à un nouveau concept théorique de menace caractérisé par son caractère multi-dimensionnel et complexe.
Terry L. Debel affirme qu’une menace est “une action active et efficace réalisée par un État particulier pour influencer le comportement d’un autre État, dont le succès dépend de plusieurs facteurs, y compris la crédibilité, le sérieux et les capacités correspondant à la menace.” Il identifie trois caractéristiques d’une menace : degré de gravité, probabilité d’occurrence, et timing.
Barry Buzan définit une menace comme “une menace pour les institutions de l’État utilisant l’idéologie ou les composants de capacité de l’État contre un autre État, où le territoire de l’État peut être menacé par des dommages, une invasion ou une occupation. Les menaces peuvent provenir de l’extérieur ou de l’intérieur, et Buzan estime que les États forts sont généralement confrontés à des menaces extérieures contrairement aux États faibles qui subissent des menaces à la fois de l’intérieur et de l’extérieur.”
Le chercheur tchèque Jan Eichler soutient que la menace exprime la volonté d’infliger des dommages à un acteur (individu/groupe/État…), conditionnée par les éléments suivants :
- Elle provoque un état de panique et de peur.
- La capacité de cibler directement l’État ou ses citoyens ou les États voisins, entraînant des effets géopolitiques. Par exemple, le chaos sécuritaire et les menaces sécuritaires dans les pays voisins de l’Algérie, en particulier la Libye, laissent l’Algérie dans un état de peur et de préparation face à des menaces potentielles pouvant venir de ces zones.
- Degré de gravité, c’est-à-dire la nature du danger (potentielle, effective, latente) ; plus une menace est grave, plus elle exige une réaction immédiate et efficace de la part du menacé.
À partir de ces définitions choisies, plusieurs points peuvent être extraits, constituant la véritable essence du concept de menace comme suit :
- Une menace exprime une intention d’infliger des dommages et des préjudices visant à perturber la sécurité.
- La menace est influencée par les développements et changements se produisant dans la réalité, ce qui ajoute un caractère dynamique et relatif au concept de menace.
- Les niveaux de menace sont variés (individu, groupe, État, régional, etc.), avec des sources provenant à la fois de l’intérieur et de l’extérieur de l’État, accompagnées de causes variées et de types, ce qui rend la menace un concept complexe et intriqué.
- La menace interagit et se combine avec plusieurs autres menaces dans l’environnement actuel.
Menace Sécuritaire et Concepts Similaires
La question de la définition précise des termes liés aux menaces sécuritaires demeure un sujet de débat important parmi les chercheurs et les académiciens. Beaucoup confondent les termes “défi” et “risque”, les utilisant de manière interchangeable avec menace sécuritaire, ce qui peut impact négativement les évaluations faites dans l’étude.
Il est donc essentiel de distinguer ces concepts et d’en maîtriser l’usage précis, sur la base de l’assertion de Voltaire : “Si vous voulez me comprendre, vous devez clarifier vos termes,” ce que nous visons dans cette section.
Défi
Le terme “défi” est linguistiquement dérivé du verbe “تحدى,” se référant à une situation où quelqu’un conteste un autre sur quelque chose, et se traduit par “Challenge” en anglais, “Herausforderung” en allemand, et “Défi” en français.
Les dictionnaires d’anglais britannique indiquent plusieurs significations pour le défi ; il désigne une tâche difficile nécessitant un test, de la force et de l’habileté, et il est également une invitation à la compétition et à la confrontation, comme lorsque quelqu’un propose un duel à un autre.
Scientifiquement, on s’accorde à dire que le terme “défi” désigne un ensemble complexe de problèmes et de circonstances créées par nos désirs et actions conscientes et inconscientes. Suleiman Abdullah Al-Harbi le définit comme « les problèmes, les difficultés ou les risques auxquels l’État est confronté, défiant et entravant son progrès, constituant un obstacle à la réalisation de sa sécurité, de sa stabilité et de ses intérêts vitaux communs qui sont difficiles à éviter ou à ignorer ». Par exemple, à la fois le chômage et les problèmes de l’explosion démographique représentent des défis pour l’État.
Un défi met à l’épreuve la capacité de l’État à gérer ses affaires et à rivaliser avec les autres ; ces défis peuvent être d’ordre interne ou externe.
Risque
Le dictionnaire Le Petite Robert définit “risque” comme tout acte menaçant qui peut survenir et dont la prévisibilité oscille entre augmentation et diminution ; il est relié à la capacité d’une société à faire face à cela.
Beaucoup de penseurs le considèrent comme une caractéristique indiquant quelque chose qui entraîne un préjudice moral ou matériel. Lorsque nous disons qu’une chose est risquée, cela signifie qu’elle peut comporter un dommage moral ou matériel. Cela peut déboucher sur des pertes, des ravages ou des blessures. Le risque comprend trois éléments fondamentaux :
- La source produisant le risque.
- Le moyen de transmission du risque, qui peut être mécanique, chimique ou radiologique.
- L’environnement transmettant le risque, qu’il soit aquatique, urbain ou aérien.
Ulrich Beck soutient dans son livre “Société du Risque” que le risque constitue un dommage menaçant la sécurité des individus, de l’environnement et des communautés humaines, mais il est sur le point d’arriver ou s’est déjà produit et peut être contenu s’il ne s’aggrave pas. Beck observait également que les risques se sont intensifiés et diversifiés avec les avancées technologiques et scientifiques ainsi qu’à mesure que l’impact de la mondialisation s’est accru, se caractérisant par leur rapide propagation d’une région à l’autre.
Classifications des Menaces Sécuritaires
Plusieurs critères sont utilisés par les chercheurs pour classifier les menaces sécuritaires. Certains se concentrent sur le critère de “domaine” tandis que d’autres appliquent un critère “géographique” ou préfèrent utiliser des classifications contemporaines mettant l’accent sur le critère de “similarité” et “d’influence”.
En ce qui concerne le domaine : De nombreux chercheurs préfèrent classifier les menaces sécuritaires selon le critère de domaine, qui comprend :
- Menaces Politiques : Elles englobent l’absence d’un système politique cohérent et réactif répondant aux aspirations du peuple, ainsi qu’une absence quasi totale des indicateurs de démocratie et de bonne gouvernance.
- Menaces Économiques : Celles-ci se manifestent dans l’absence de distribution équitable de la richesse, la faiblesse du produit national brut et du revenu par habitant, ainsi que la vulnérabilité de l’État aux effets de la mondialisation économique, des crises financières et des sanctions économiques.
- Menaces Sociales et Culturelles : Celles-ci se manifestent par l’élargissement des cercles de la pauvreté, de la faim, de l’illetrisme, du chômage, des épidémies, de la migration et d’une croissance démographique qui ne s’aligne pas sur le taux de croissance économique, ainsi qu’un accroissement de la désintégration sociale et un déclin des niveaux de services sociaux, entraînant une détérioration de l’état humain. De plus, l’intrusion culturelle dans les identités des sociétés et des États émerge à la suite d’un lien organique entre les évolutions de la mondialisation, qui se sont directement reliées à l’évolution des moyens de communication et de la technologie, faisant ainsi passer le monde d’une caractéristique limitée à illimitée. L’essor des mouvements fondamentalistes extrémistes a constitué un risque principal pour la paix mondiale.
- Menaces Environnementales : Elles englobent toute menace visant l’environnement (terre, eau, air) dans lequel nous vivons, représentant une question sécuritaire horizontale et universelle qui n’est pas géographiquement contrainte et affecte tous les acteurs et domaines. Ces menaces incluent la pollution, le réchauffement climatique, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’extinction des espèces, la pollution des sols causée par une mauvaise utilisation des engrais et pesticides, ainsi que la pollution de l’eau douce, des eaux souterraines et des océans, aggravées par des pratiques non durables dans l’exploitation des ressources comme le pétrole, le charbon, le gaz naturel et de schiste, etc.
Concernant le degré de gravité : Le penseur arabe Suleiman Abdullah Al-Harbi, dans un article publié dans la Revue Arabe des Sciences Politiques, intitulé “Le Concept de Sécurité : Ses Niveaux, Ses Formes et Ses Menaces (Étude Théorique dans les Concepts et Cadres)”, propose que les menaces sécuritaires puissent être classifiées en fonction de leur degré de gravité :
- Menaces Effectives : Ce sont celles qui exposent l’État à un danger imminent dû à l’utilisation effective et sérieuse de la force militaire.
- Menaces Potentielles : Ces menaces sont observées à travers un ensemble de raisons concrètes indiquant que l’État est exposé à un ensemble de menaces sans arriver à utiliser la force militaire.
- Menaces Latentes : Celles-ci sont caractérisées par leur invisibilité (latente), engendrée par l’existence de causes divergentes entre deux États ou plus sans aucune manifestation visible en surface.
- Menaces Perçues : Ce sont les menaces dont l’apparition est probable à l’avenir.
Concernant le degré de similarité : Certains chercheurs soutiennent qu’il est possible de classifier les menaces sécuritaires selon le degré de similarité parmi les acteurs en :
- Menaces Symétriques : Cela désigne le modèle traditionnel de menaces qui se caractérisent par leur nature militaire et inter-États, semblant similaires dans les acteurs, comme les menaces militaires entre deux États.
- Menaces Asymétriques : Ce sont les menaces basées sur l’idée d’ambiguïté et l’incapacité d’identifier la nature de l’ennemi, émergeant d’inégalités entre les acteurs en termes de forces. Ce type inclut la criminalité économique, le trafic d’armes, le terrorisme transnational, la criminalité organisée, et les conflits internes, accompagnés de violations larges des droits de l’homme, et le génocide qui trouvent un terrain d’entente idéal dans les États faillis (Failed States). Cette transition est le résultat d’un changement significatif dans la structure des risques sécuritaires passant d’un modèle symétrique (étant donné la symétrie de ses acteurs) à un “modèle asymétrique” (tenant compte de l’asymétrie de la nature de ses acteurs) en coïncidant avec les transformations et changements survenant dans le système mondial.
Il convient de noter qu’il existe plusieurs éléments contribuant à définir les menaces sécuritaires, et tout en analysant une menace sécuritaire, il est essentiel de les aborder comme suit :
- Nature de la menace : quelle est la classification de cette menace ? Quelles sont ses principales dimensions ?
- Lieu de la menace : quel est le champ géographique de cette menace ? Quelles sont ses extensions ?
- Temps de la menace : quels sont ses effets immédiats et futurs ?
- Degré de la menace : quelle est la force de cette menace ? Quel est son niveau de dangerosité ?
- Mobilisation des ressources : quelles sont les mesures et dispositions appropriées, matérielles, humaines et morales, pour faire face à cette menace et essayer de limiter son impact et ses dimensions ?
En conséquence de ce qui précède, on conclut que le concept de menace sécuritaire est un concept relativement complexe et dynamique, d’où la nécessité de précision scientifique pour le définir en connaissant les caractéristiques et dimensions les plus marquantes qui caractérisent ce concept afin de permettre son diagnostic et son traitement, un peu comme un médecin qui souhaite découvrir la nature de la maladie dont souffre son patient, puis essayer de la diagnostiquer et de la soigner.
Menaces Asymétriques
En décrivant l’environnement sécuritaire mondial depuis la fin de la Guerre froide, nous approchons l’hypothèse fondamentale que “le progrès de l’humanité confirme la capacité considérable à provoquer le changement et la transformation.” Voici la distinction entre chaque époque et la suivante. Si ce changement affecte les points de force des relations internationales, il aura un impact sur l’équilibre des forces dans le système international et sur l’ordre des unités ainsi que sur le système de valeurs qui en émane, ce qui nous pousse à réévaluer de nombreux faits, y compris ceux liés à la sécurité.
Un observateur des indicateurs de l’environnement sécuritaire mondial au cours des trois dernières décennies voit qu’il y a eu une transformation dans la nature des risques menaçant la sécurité mondiale, passant du modèle traditionnel centré sur l’État en tant qu’acteur menaçant, et sur la nature militaire de la menace, à de nouveaux modèles multiples, parmi lesquels les menaces asymétriques, que nous allons essayer de clarifier et simplifier dans cette section.
Définition des Menaces Asymétriques
Appelées également non-symétriques ou inégales, elles se produisent entre des acteurs d’inégalités de puissance. Ce type de menace est souvent un moyen pour le parti plus faible de compenser un manque de ressources en utilisant divers moyens pour cibler les vulnérabilités du parti plus fort.
Des exemples de telles menaces sont la guerre des États contre le terrorisme et des organisations criminelles. Le terme « menaces asymétriques » est l’antithèse des menaces symétriques, qui désignent la formulation classique de la menace ayant un caractère militaire et inter-États.
À un niveau supérieur de menace, de nombreuses études font référence à la guerre asymétrique (Asymmetric War) ; c’est le type dominant dans les guerres aujourd’hui, et c’est pourquoi on l’appelle les “guerres de l’âge,” où les parties belligérantes ne sont pas égales et divergentes en matière de forces et de moyens. Cela prend plusieurs formes et peut être interprété à trois niveaux : il y a le niveau opérationnel (caractérisé par de nombreuses opérations secrètes, des surprises, des trahisons et des ruses, etc.), le niveau stratégique militaire (guerre de guérilla, guerre éclair, etc.), et le niveau stratégique politique (guerre ayant une connotation culturelle, morale et religieuse).
Ce terme a été fréquemment utilisé dans de nombreuses études anglosaxonnes, telles que les recherches de Steven Lambakis, James Kiras, Kirstin Kolet sur “Comprendre les Menaces Asymétriques contre les USA,” et par le biais de David Buffaloe sur “Définir la guerre asymétrique.”
Ce terme a été utilisé aux États-Unis pour décrire les nouveaux risques auxquels la sécurité nationale américaine est confrontée comme suit :
- Les nouvelles menaces se caractérisant par leur élément de surprise, de dynamique et d’inhabituel.
- Les méthodes tactiques et opérationnelles nouvelles utilisées par les groupes pour menacer la sécurité américaine.
- L’ambiguïté et la difficulté à définir la nature de l’ennemi menaçant la sécurité américaine.
Menaces Asymétriques et Menaces Hybrides
L’emploi de la terminologie « hybride » découle d’une analyse faite par les forces navales américaines à partir des expériences opérationnelles en Irak et en Afghanistan. En 2005, le général James Mattis, qui a occupé le poste de commandant de la Central Command des États-Unis, a écrit dans la revue des Procédures de l’Institut naval américain sur l’émergence de méthodes régulières de menaces telles que le terrorisme, l’insurrection et le trafic de drogues.
Dans cette analyse, il a été noté que les adversaires non étatiques cherchent à exploiter le meilleur avantage tactique à un moment et dans un lieu de leur choix plutôt que de se soumettre à nos règles, cherchant à accumuler une série de petits impacts tactiques puis à les amplifier en utilisant les médias et la guerre de l’information pour affaiblir la détermination américaine ; ainsi, un processus d’intégration entre différentes méthodes et formes de guerre émerge, constituant une “guerre hybride”.
Frank Hoffman définit les menaces hybrides comme impliquant un éventail complet de différentes modalités de guerre, y compris des capacités conventionnelles, des tactiques et des formations irrégulières, des actes terroristes, y compris la violence indiscriminée et la coercition, et le désordre criminel.
Les menaces hybrides incorporent une gamme complète de différents modes de guerre, y compris des capacités conventionnelles, des tactiques irrégulières, des actes terroristes, y compris de la violence indiscriminée et de la coercition, et des désordres criminels.
Les menaces hybrides sont abondantes dans les régions qui ne sont plus sous le contrôle de l’État. Elles se caractérisent par une rapide propagation et impliquent des acteurs non étatiques combinant des méthodes traditionnelles et non traditionnelles, comme la guerre classique, la criminalité organisée, le terrorisme, les actions de sabotage, et la manipulation des technologies, se caractérisant également par la diversité de ses formes et sa nature difficile à comprendre, en raison de son ambiguïté, de ses nombreuses interactions et ramifications.
Les menaces hybrides представляют собой un défi considérable pour la sécurité des États et la sécurité mondiale, étant plus complexes et intriquées que les menaces asymétriques et plus inclusives.
Menaces Asymétriques Marquantes
Les menaces asymétriques dominent aujourd’hui les discussions dans les cercles politiques et sécuritaires, particulièrement concernant le triangle du terrorisme, de la criminalité organisée et de l’immigration illégale, qui représentent certains des problèmes les plus pressants compromettant la paix et la sécurité mondiales aujourd’hui en raison de leur dynamisme et de la difficulté de les confronter.
Le Phénomène Terroriste
Quiconque examine la littérature variée portant sur le phénomène du terrorisme remarquera qu’il y a un long débat concernant la définition d’une certaine forme de terrorisme à partir de laquelle évaluer ce phénomène, mais il n’existe pas encore de consensus sur une définition adaptée de cette menace croissante qui plane sur l’humanité.
Dans une étude réalisée par Alex Schmid sur plus de cent définitions d’experts et de chercheurs dans le domaine du terrorisme, il a conclu que « le terrorisme est un concept abstrait sans véritable essence », soumis au caractère pragmatique des États dominateurs sur les fondamentaux internationaux. La plupart des définitions se concentrent, selon lui, sur trois éléments essentiels : l’acteur (The Actor), l’acte terroriste (The Terrorist Act) et la victime (The Victim).
En tant que conception, on peut dire que le terrorisme est : « un acte violent visant à contraindre un groupe à adopter des opinions par le biais de la force en semant la peur et l’inquiétude. C’est un moyen utilisé par des individus et des groupes contre les gouvernements, qui peuvent également être pris en charge et utilisés par les gouvernements contre certains groupes », considéré par David Tucker dans un article concernant les dernières évolutions du terrorisme et son niveau de danger comme un réseau de nouveaux groupes et amateurs interconnectés entre eux, qui diffèrent du modèle hiérarchique traditionnel où les groupes terroristes sont détruits par un processus de décapitation (élimination du chef).
Ces groupes se distinguent par leur flexibilité et leur capacité d’adaptation ; ils utilisent souvent des méthodes traditionnelles mais vont au-delà de cela en recourant à de nouvelles méthodes hybrides pour mener leurs attaques, comme l’utilisation de réseaux sociaux, de sites web, de cryptage, de cybercriminalité, de matières chimiques, biologiques et radiologiques, ce qui accroît les opérations meurtrières tant au niveau national qu’international.
Il est également important de noter qu’en plus du terrorisme de groupe, il existe ce qu’on appelle « le terrorisme d’État » (Terrorism by State), pratiqué par le régime politique envers son peuple, en raison de son incapacité à répondre à leurs demandes et à satisfaire leurs besoins. Cette situation se retrouve dans les tentatives des forces serbes sous la direction de Slobodan Milošević de nettoyer les musulmans en Serbie.
Le terrorisme impacte négativement la sécurité nationale ; il représente à la fois une menace et un défi. Il menace la sécurité régionale et mondiale ainsi que la sécurité et la stabilité de la communauté internationale, provoquant des sentiments humanitaires et la conscience mondiale, et constituant un facteur de tension dans les relations internationales entre les peuples et les États. Par exemple, l’attaque présumée d’Al-Qaïda contre les États-Unis le 11 septembre 2011, qui a entraîné environ 2985 décès, a exacerbé les tensions entre les États-Unis et les pays arabes. De plus, l’intensification croissante de ce phénomène et l’augmentation du nombre d’attaques terroristes et des pertes qui en découlent renforcent le scénario selon lequel cette menace, surtout dans les États faillis et fragiles, continuera d’être un grand obstacle et un défi futur à l’obtention de la sécurité, une situation qui s’applique à la région arabe où les signes d’une poussée terroriste ont été montrés depuis 2013.
Criminalité Organisée
La criminalité organisée est également définie comme un ensemble criminel composé d’individus ou de groupes agissant de manière organisée pour obtenir des avantages financiers par le biais d’activités illégales. Ses membres évoluent à travers une structure organisationnelle précise et complexe semblable à celle des institutions économiques, englobant des actes de vol, de racket, de pillage économique et social, de contrebande, de trafic de drogues, de traite d’êtres humains, de fraude industrielle, de falsification, et d’escroqueries, ainsi que toute action prohibée par la loi interne et internationale, commise de manière organisée et préalablement planifiée.
La criminalité organisée entremêle avec le phénomène terroriste un aspect d’organisation et d’illégalité, mais elles diffèrent quant à leurs objectifs, le terrorisme visant à réaliser un but politique idéologique par la violence et la terreur, alors que la criminalité organisée vise à procurer des bénéfices financiers. Les deux se distinguent également par un caractère relationnel en termes de coopération fonctionnelle à travers l’échange d’expertises, comme lorsque des organisations criminelles fournissent aux groupes terroristes la technologie de faux papiers d’identité, ainsi qu’à travers le partage de personnes actives. Les organisations criminelles fournissent également aux groupes terroristes des financements et des armes, tandis que les groupes terroristes cherchent à les protéger.
Immigration Illégale
L’immigration est devenue un phénomène mondial, avec une augmentation de son taux et de son étendue en termes de volume et de dispersion, adoptant diverses formes, notamment au cours des dernières décennies, en raison de divers facteurs économiques, psychologiques et sociaux négatifs qui constituent des facteurs de pression, ainsi que des facteurs d’attraction pour attirer les migrants en quête d’une vie meilleure dans le pays de destination.
Selon diverses sources, l’immigration signifie généralement le déplacement de la résidence d’un endroit à un autre, dans l’intention de rester dans le nouvel endroit pour une période prolongée. L’immigration peut être classée selon plusieurs critères numériques, de gamme, de durée, de statut juridique et de satisfaction des deux parties vis-à-vis du processus d’immigration. Ce qui nous intéresse ici est la dernière classification, où l’immigration légale est celle qui est associée à la mesure de satisfaction des parties et à la régularité des procédures du processus d’immigration, validée par des passeports ou des documents autorisés par le pays d’immigration, tandis que l’immigration illégale semble désigner celle où des immigrants pénètrent sans autorisation légale, en absence de visas ou de permissions préalables pour intégrer des nations industrialisées.
On constate à présent que l’immigration illégale, en tant qu’une menace sécuritaire asymétrique, est devenue un sujet de préoccupation majeur pour les pays, qu’il s’agisse de pays d’accueil, d’émission ou même de pays de transit, tels que la région du Maghreb. Sur un plan sécuritaire, on peut anticiper que des immigrants illégaux statuent en obéissant à la loi sur les crimes, jonglant avec des actes de violence et éventuellement des actes terroristes, procédant à l’impossibilité de trouver des emplois convenables ou pourraient être exploités par des groupes armés, comme Al-Qaïda. De surcroît, l’afflux d’immigrants influence la structure socio-culturelle démographique des pays d’accueil, en particulier lorsque les immigrants maintiennent leurs racines culturelles, ce qui perturbe la sécurité sociale et culturelle.
Sur le plan économique, certains analystes affirment que les immigrants représentent la “éponge” absorbant le développement, car l’afflux de personnes en situation de pauvreté vers des pays développés par une grande quantité alourdit le fardeau du chômage et intensifie la compétition entre les citoyens du pays d’accueil et les immigrants, particulièrement en période de récession économique, créant ainsi des cas de troubles en interne au pays.
Conclusion :
Il ressort de tout ce qui a été présenté dans ce document de recherche que les menaces asymétriques sont le résultat des évolutions ayant lieu dans l’environnement sécuritaire mondial. La nature de ces menaces a revêtu des formes plus complexes, affectées par le développement technologique et informationnel, qui ont mis en place de nouveaux outils et mécanismes de confrontation difficiles à cerner, à la différence de l’ennemi traditionnel d’hier dont la localisation et la nature étaient plus faciles à identifier.
Ces menaces trouvent généralement leur place optimale dans les États faillis et fragiles favorables à leur expansion, comme c’est le cas pour des pays tels que la Libye, l’Irak, la Syrie et les États du Sahel, dans lesquels des mouvements de rébellion, des groupes séparatistes, des organisations terroristes et des réseaux de criminalité organisée prospèrent.
Face à cette complexité inhérente à ces menaces, il est impératif de s’adapter plus rapidement afin de traiter de nouvelles configurations de tactiques employées par des acteurs menaçants et de les dissuader, en augmentant les sanctions économiques et intelligentes à leur encontre, en les confrontant dans un langage collectif, et en activant la panoptique.
Références
“Unrestricted Warfare” by Qiao Liang & Wang Xiangsui
A Chinese military treatise discussing non-traditional warfare like cyber, economic, and psychological operations.
“The Utility of Force: The Art of War in the Modern World” by Rupert Smith
Argues that modern conflict is no longer industrial warfare but ‘wars amongst the people.’
“Counterinsurgency” by David Kilcullen
Essential reading on insurgency and counterinsurgency strategies based on fieldwork in Iraq and Afghanistan.
“The Accidental Guerrilla: Fighting Small Wars in the Midst of a Big One” by David Kilcullen
Analyzes how global counterterrorism efforts create complex local resistance.
“Understanding Modern Warfare” by David Jordan, James D. Kiras, et al.
A comprehensive textbook covering conventional and unconventional warfare methods.
“Cyberpower and National Security” edited by Franklin D. Kramer, Stuart H. Starr & Larry K. Wentz
Explores the implications of cyber threats and policy-level responses.
“Hybrid Warfare: Fighting Complex Opponents from the Ancient World to the Present” by Williamson Murray and Peter R. Mansoor
Examines historical and modern examples of hybrid threats—blending regular and irregular tactics.
“The Future of Power” by Joseph S. Nye Jr.
Introduces “smart power” and how non-traditional threats reshape global power dynamics.
“Insurgency and Counterinsurgency: A Global History” by Jeremy Black
Chronological and thematic study of insurgent movements and military/political responses.
“Out of the Mountains: The Coming Age of the Urban Guerrilla” by David Kilcullen
Focuses on future security challenges in urban, coastal, and complex environments.
“Waging War Without Warriors? The Changing Culture of Military Conflict” by Christopher Coker
Discusses the evolution of warfare and how technology and ethics are redefining conflict.
“Networks and Netwars: The Future of Terror, Crime, and Militancy” by John Arquilla & David Ronfeldt
A RAND study on how decentralized networks (terrorists, hackers) challenge nation-states.
“The Art of Military Innovation: Lessons from the Israel Defense Forces” by Emily Goldman
Explores how militaries adapt to unconventional threats.
“Small Wars, Far Away Places: Global Insurrection and the Making of the Modern World” by Michael Burleigh
Looks at post-WWII asymmetric conflicts and Western responses.
“Understanding Cyber Warfare: Politics, Policy and Strategy” by Christopher Whyte, Brian Mazanec, and Benjamin Jensen
An academic yet accessible guide to cyber conflict in the context of international security.

Subscribe to our email newsletter to get the latest posts delivered right to your email.
Comments