Les pays de la Corne de l’Afrique souffrent de violences et d’insécurité. Cette région constitue un carrefour stratégique sur les routes du commerce et de la migration à travers la mer Rouge, bordant des zones instables du Sahel et de l’Afrique centrale, ce qui en fait un point d’intérêt majeur pour l’Union européenne. Celle-ci a adopté un cadre intégré pour aligner ses divers programmes et instruments de politique étrangère en vue de sécuriser la région. Cependant, les conflits interétatiques rendent difficile la stabilisation de la Corne de l’Afrique.

La Corne de l’Afrique, en tant que concept géographique et politique, est relativement récent, et son périmètre exact fait l’objet de divergences. Sur le plan géopolitique, cette région inclut également les pays riverains de la mer Rouge, notamment la Somalie, le Yémen et les pays du Golfe. Sa position stratégique est renforcée par ses ressources naturelles abondantes.

Géographiquement, la Corne de l’Afrique correspond à l’extrémité orientale du continent africain, en forme de corne, qui s’étend du nord de Djibouti jusqu’au fleuve Tana au Kenya. Selon cette définition, la région couvre environ 1,165,000 km². Les pays traditionnellement inclus sont l’Érythrée, Djibouti, l’Éthiopie, la Somalie et le Kenya.

Les origines d’Al-Shabaab

Al-Shabaab est un groupe islamiste extrémiste basé en Somalie. Il a pris le contrôle de Mogadiscio à la fin des années 2000, mais a été repoussé par une intervention militaire de l’Union africaine, appuyée par les États-Unis et d’autres partenaires occidentaux. Malgré cela, le groupe conserve une forte capacité opérationnelle et constitue toujours une menace majeure, contrôlant une grande partie du sud de la Somalie et menant régulièrement des attaques meurtrières.

La Somalie, l’un des pays les plus pauvres au monde, a vu de nombreuses factions extrémistes émerger au fil des décennies. Al-Shabaab est issu de l’Union islamique (AIAI), un groupe salafiste djihadiste actif dans les années 1990 après la chute du régime de Siad Barre. AIAI a été financé et armé en partie par Oussama ben Laden.

Avec l’élection du président Mohamed Abdullahi « Farmaajo » en 2017, certains espéraient une amélioration durable. Toutefois, des luttes de pouvoir avec le Premier ministre Roble ont paralysé le gouvernement. Al-Shabaab reste actif et violent, y compris à Mogadiscio. La mission de paix de l’Union africaine, financée par l’UE, a été remplacée en 2022 par la mission ATMIS, qui vise à transférer la sécurité aux forces somaliennes d’ici fin 2024.

Schémas d’extrémisme

En 2022, Al-Shabaab a participé à plus de 2 400 actes de violence politique, dont plus de 1 700 affrontements et 300 attaques contre des civils — une augmentation significative par rapport à 2021. Les régions les plus touchées incluent Banadir, Lower Shabelle et Hiran, où les attaques contre des civils ont respectivement augmenté de 17 %, 95 % et 366 %.

Coopération sino-africaine

Le sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) de 2018 a dévoilé un programme ambitieux en matière de sécurité. Pékin y a annoncé 50 initiatives pour renforcer la coordination sécuritaire avec les pays africains. Les entreprises publiques chinoises dépensent déjà plus de 10 milliards de dollars en sécurité, notamment en Afrique via des forces policières ou des sociétés privées.

Depuis 2015, la Chine investit davantage dans le secteur militaire africain, signe possible d’un engagement plus profond dans la politique et l’économie du continent. Pendant ce temps, les États-Unis et l’Europe perdent de l’influence économique en Afrique face à la Chine.

Redéploiement américain en Somalie

En 2020, l’administration Trump a retiré les troupes américaines de Somalie. Mais sous Biden, les États-Unis ont annoncé un redéploiement limité, conservant une mission de conseil auprès des forces somaliennes (450 à 500 soldats), sans implication directe au sol. Le retour des troupes vise notamment à lutter contre Al-Shabaab, dans un contexte de rivalité renouvelée avec la Russie depuis la guerre en Ukraine.

L’UE – Une nouvelle stratégie

L’UE a prolongé en 2020 le mandat de l’opération « Atalanta », axée sur la lutte contre la piraterie, le respect de l’embargo onusien sur les armes à destination de la Somalie, et la protection des navires du Programme alimentaire mondial. Malgré une baisse de la piraterie, les menaces de groupes comme Al-Shabaab et Daech persistent.

Pourquoi la Corne de l’Afrique est-elle importante pour l’Europe ?

Environ 40 % du commerce maritime mondial et 25 % des approvisionnements maritimes de l’UE transitent par le golfe d’Aden. La région demeure essentielle pour la sécurité maritime. Toutefois, malgré l’opération Atalanta, la sécurité reste précaire.

L’UE face à la compétition géopolitique

Face à une compétition croissante, l’UE doit reconnaître le rôle stratégique de l’Afrique. Le continent peut aider à répondre aux besoins en énergie et matières premières de l’UE, en particulier dans le contexte de la guerre commerciale sino-américaine et des sanctions contre la Russie. L’Afrique est aussi une passerelle vers le Sud global (Amérique latine, Asie).

Sur la question migratoire, malgré les efforts pour coopérer avec l’Union africaine et les Nations unies, la priorité de l’UE reste de limiter les arrivées sur ses côtes, de lutter contre les passeurs en Méditerranée, et d’augmenter les retours vers les pays d’origine. Il est urgent d’élaborer une nouvelle stratégie équilibrée, à long terme, et adaptée à un contexte international en mutation.

Évaluation

  • La Corne de l’Afrique conserve une importance stratégique régionale et internationale, incitant les grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie, pays européens) à maintenir une présence militaire pour défendre leurs intérêts économiques, notamment autour de la mer Rouge et du détroit de Bab el-Mandeb.
  • L’instabilité des États riverains, en particulier la Somalie, alimente les inquiétudes des puissances étrangères, qui établissent des bases (notamment à Djibouti) pour protéger la navigation et contrer les groupes extrémistes, notamment Al-Shabaab.
  • Les États-Unis privilégient l’usage de drones pour frapper les cibles terroristes, mais cela ne constitue pas une solution durable ni suffisante face aux menaces contre la navigation dans la région.
  • Le chaos au Soudan, en Somalie, en Éthiopie et potentiellement dans d’autres pays favorise l’essor des groupes extrémistes. Sans mesures préventives, cette tendance pourrait s’aggraver.
  • L’Union européenne a une présence limitée dans la région. L’opération Atalanta ne représente pas une véritable force de projection de l’UE, qui reste dépendante de la puissance militaire américaine.
  • Le conflit soudanais risque de s’étendre aux pays voisins, menaçant la sécurité du Sahel, de la Corne de l’Afrique, et de l’Afrique de l’Ouest via le Tchad. Cette instabilité pourrait relancer les activités extrémistes et la piraterie en mer.
  • Malgré la guerre en Ukraine, l’UE devra renforcer sa présence militaire et navale en mer Rouge et dans la Corne de l’Afrique, car la zone reste essentielle à ses intérêts économiques.
  • L’UE doit poursuivre ses efforts en faveur de la stabilité de la région via une approche globale : aide humanitaire, gouvernance, État de droit, éducation, inclusion sociale, résilience climatique et consolidation de la paix.

Références

[1] GEOPOLITICS OF THE HORN OF AFRICA: IMPORTANCE AND DIMENSIONS
bit.ly/42BAx3J

[2] Al-Shabaab | Council on Foreign Relations
bit.ly/42AQaZ6

[3] Horn of Africa and East Africa
bit.ly/44MvA9Z

[4] Context Assessment: Heightened Political Violence in Somalia
bit.ly/3Bs7SCN

[5] China’s new military base in Africa: What it means for Europe and America | ECFR
bit.ly/3LPZbqA

[6] What US re-entry into Somalia means for the Horn of Africa and for bigger powers
bit.ly/3nMC7RC

[7] Horn of Africa: Bundeswehr mission off the Somali coast to continue
bit.ly/3LFo5ZS

[8] Building Somalia’s state and security and stabilising the Horn of Africa | EEAS
bit.ly/44HcVMVl

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