En octobre 2024, le député ukrainien Oleh Dunda a plaidé pour l’élargissement du conflit avec la Russie pour inclure son allié, le Belarus, arguant qu’une telle action « infligerait un coup » à Moscou. Cette déclaration renforce les précédentes affirmations de Minsk, qui avait rapporté des mouvements militaires ukrainiens près de la frontière commune, en particulier dans la région de Zhytomyr, depuis fin juin. Cependant, Kyiv a rapidement démenti ces allégations par le biais d’une déclaration du Service d’État des garde-frontières, affirmant que ses opérations étaient uniquement axées sur la sécurisation de la frontière avec le Belarus.
La situation a pris un tournant intéressant lorsque l’Ukraine, en réponse, a formulé ses propres accusations contre Minsk. Kyiv a affirmé que le Belarus mobilisait des forces militaires, notamment des unités d’opérations spéciales et du matériel militaire, dans la région de Gomel, adjacente à la frontière nord de l’Ukraine.
Une alliance bilatérale
Les activités militaires en augmentation le long de la frontière Ukraine-Belarus ont d’importantes implications, notamment alors que l’Ukraine continue de recevoir un soutien militaire occidental et que les tensions entre Kyiv et Minsk s’intensifient. Cette situation complexe met en lumière plusieurs aspects clés :
- Proximité politique entre Moscou et Minsk :
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko reste engagé à maintenir des liens étroits avec Moscou, en grande partie en raison du soutien indéfectible de la Russie à son régime. Ce soutien s’est révélé crucial en 2020 lorsque Loukachenko a dû faire face à d’énormes manifestations dans les villes biélorusses suite à sa victoire controversée lors de l’élection présidentielle.
La fondation de cette relation repose sur le traité d’État de l’Union, signé en 1999, qui a établi plusieurs institutions communes. La plus importante d’entre elles est le Conseil d’État suprême, composé des présidents et premiers ministres des deux nations, ainsi que des chefs de leurs parlements respectifs. Le processus décisionnel du conseil nécessite l’unanimité, chaque pays disposant d’une voix.
De plus, le traité a créé un Conseil des ministres et une Assemblée parlementaire bicamérale de l’Union. Cette dernière se compose d’une Chambre des représentants avec 75 députés de Russie et 28 du Belarus, tous élus par la population générale de chaque pays. Bien que le traité stipule également la formation d’une Chambre de l’Union avec 72 députés élus, cet aspect n’a jamais été mis en œuvre.
Le traité d’État de l’Union a favorisé une coopération extensive entre la Russie et le Belarus, dépassant le cadre d’autres structures régionales impliquant la Russie et les anciens États soviétiques. Cet accord a ouvert la voie à l’intégration dans divers domaines, y compris les sphères économique, administrative et commerciale. Les domaines de collaboration spécifiques englobent le développement du réseau routier, les tentatives d’unification monétaire, l’intégration du secteur de l’énergie et l’harmonisation des systèmes fiscaux et douaniers.
- Soutien militaire russe au Belarus :
Moscou et Minsk partagent des accords de coopération en matière de défense stratégiques bien ancrés, les responsables russes confirmant régulièrement leur engagement à protéger le Belarus contre d’éventuelles menaces. Le 20 septembre 2024, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a lancé un sévère avertissement sur les « conséquences catastrophiques » si Kyiv tentait des actions agressives contre l’allié de la Russie, le Belarus. Cette déclaration est intervenue après une attaque ukrainienne surprenante dans la région de Kouïsk, en Russie, le mois précédent, soulignant ainsi l’intensification des tensions dans la région.
La coopération militaire entre la Russie et le Belarus a connu une intensification marquée. En avril 2024, Moscou a déployé des armes tactiques au Belarus, affirmant initialement avoir un contrôle total sur ces actifs. Cependant, la situation a évolué lorsque le état-major biélorusse a révélé que ses soldats avaient reçu une formation pour opérer ces armes si les circonstances l’exigeaient, signalant un niveau d’intégration militaire plus profond entre les deux nations.
Ce renforcement des liens militaires coïncidait avec la recherche de soutien russe par le président biélorusse Loukachenko, un mouvement précipité par l’imposition de sanctions économiques de l’Union européenne et des États-Unis. Ces mesures punitives ont été instaurées en réaction à la réélection controversée de Loukachenko et à la sévère répression du gouvernement contre les manifestants par la suite. En une démonstration claire de solidarité, Moscou a exprimé sa volonté de fournir une aide militaire à Loukachenko si nécessaire, notamment pour préserver la sécurité et la stabilité du Belarus.
- La tentative de l’Ukraine d’attirer l’OTAN dans le conflit :
Les analystes biélorusses spéulent que si les rapports en provenance de Russie et du Belarus concernant les intentions présumées de Kyiv d’attaquer le Belarus sont effectivement exacts, cela pourrait indiquer la stratégie de l’Ukraine de impliquer directement l’OTAN dans le conflit militaire en cours. Un tel mouvement pourrait potentiellement fournir à l’OTAN un prétexte pour une intervention militaire directe en soutien à l’Ukraine. Selon Minsk, il y a eu une augmentation notable de la présence militaire ukrainienne le long de ses frontières, y compris un déploiement substantiel de drones, dont certains auraient prétendument violé l’espace aérien biélorusse. Cependant, Kyiv dément vigoureusement ces allégations, affirmant fermement qu’elle « n’a pas et ne prendra pas d’actions hostiles contre le peuple biélorusse ».
Signaux contradictoires
Les points clés suivants mettent en évidence les contradictions et les complexités entourant les tensions entre l’Ukraine et le Belarus :
- Accusations mutuelles :
Le porte-parole de la Garde frontière ukrainienne a souligné les accusations récurrentes de Minsk contre Kyiv, affirmant des projets d’attaques sur le territoire biélorusse comme prétexte à d’éventuelles actions militaires futures. En réponse, Kyiv maintient de manière constante que le comportement actuel de Minsk fait partie d’une campagne médiatique en cours contre l’Ukraine, coordonnée avec Moscou. Pour sécuriser la frontière, les gardes ukrainiens sont stratégiquement positionnés, considérant Minsk comme un acteur clé dans la guerre de la Russie contre l’Ukraine.
Les inquiétudes de Kyiv s’étendent aux fréquentes exercices militaires conjoints menés par le Belarus et la Russie. Un exemple notable récent est l’exercice nucléaire tactique qui s’est tenu en Russie le 11 juin 2024. De plus, le déploiement par la Russie d’armes nucléaires tactiques au Belarus constitue un développement significatif, étant la première fois que Moscou stationne des armes nucléaires en dehors de ses frontières depuis l’effondrement de l’Union soviétique.
Les campagnes médiatiques contre l’Ukraine en provenance du Belarus ont une longue histoire. En 2021, Minsk a fermé ses frontières, invoquant la contrebande d’armes depuis l’Ukraine comme raison. De plus, Minsk a accusé Kyiv et l’Occident de soutenir des mouvements d’opposition visant à renverser le gouvernement, établissant des parallèles avec les manifestations contre Loukachenko en 2020. Pendant cette période, le Belarus a publié des rapports alléguant des tentatives d’intervention militaire occidentale à travers les frontières avec l’Ukraine, la Lituanie et la Pologne.
Il est important de noter que Loukachenko dépend fortement du soutien russe et des accords de défense mutuels avec Poutine. Ces alliances servent de rempart pour son régime contre les demandes occidentales de changement politique à Minsk.
- Relations tendues avec les pays voisins :
Les relations du Belarus avec ses voisins se sont détériorées au milieu de la guerre en cours en Ukraine. Le général Pavel Muraviko, chef de l’état-major biélorusse, a affirmé que les pays voisins nourrissent des hostilités à l’égard de Minsk. Il a affirmé que ces nations avaient tenté de contrecarrer les efforts du Belarus pour établir des liens plus étroits avec la Chine en entravant sa candidature à rejoindre l’Organisation de coopération de Shanghai. Malgré ces défis, le Belarus a réussi à devenir membre de l’organisation en juillet 2024.
- Soutien continu du Belarus à Moscou :
Malgré les pertes économiques engendrées depuis le début de l’opération militaire de la Russie contre l’Ukraine en février 2022, le Belarus a maintenu son soutien aux Moscou. Le gouvernement biélorusse considère tout refus de soutenir l’armée russe comme un acte de trahison. Par conséquent, le soutien de Minsk s’est manifesté de plusieurs manières, notamment en interceptant des missiles ukrainiens dès le début du conflit et en lançant des contre-attaques lorsque Kyiv a tenté de frapper le Belarus avec des missiles Tochka-U. Ces actions deviennent plus compréhensibles lorsqu’on considère la perception du Belarus selon laquelle la campagne militaire russe dans l’est de l’Ukraine est vitale pour sa propre sécurité nationale.
Notamment, le président biélorusse Loukachenko, sa femme et plusieurs proches collaborateurs ont été soumis à des sanctions américaines. De plus, des pays européens ont exclu les banques biélorusses du système SWIFT, leur coupant effectivement l’accès à des milliards d’euros. En outre, la Banque mondiale a suspendu ses projets au Belarus, isolant encore plus le pays économiquement.
Les liens profondément ancrés du Belarus avec Moscou vont au-delà des alliances politiques, englobant des connexions religieuses, linguistiques et géographiques. Les deux nations sont principalement slaves et partagent la foi chrétienne orthodoxe russe. La relation économique entre les deux pays est particulièrement significative, la Russie représentant 50 % du commerce extérieur du Belarus. Minsk bénéficie d’accords de commerce interrégionaux, recevant du gaz naturel en roupies biélorusses. De plus, le Belarus tire profit du passage de gazoducs à travers son territoire et bénéficie d’un traitement préférentiel concernant l’utilisation des ports russes sur la mer Baltique – un avantage crucial pour une nation enclavée.
Ces liens multiformes aident à expliquer l’implication directe du Belarus dans la guerre. Des données américaines provenant des premières phases du conflit ont révélé qu’environ 10 % des missiles russes avaient été lancés depuis le sol biélorusse.
En conclusion, il est probable que le Belarus maintienne son soutien à Moscou, malgré l’imposition de sanctions européennes et occidentales à l’encontre de Minsk. Cette allégeance indéfectible à la Russie sert à revitaliser le traité d’État de l’Union, notamment face aux sanctions économiques en cours visant les deux nations. Dans le même temps, le Belarus cherche à atténuer ses pertes en tirant parti des liens économiques croissants de la Russie avec la Chine. Cependant, il reste peu probable que les tensions entre le Belarus et l’Ukraine escaladent en confrontation directe, car aucun des deux pays n’a intérêt à ouvrir un nouveau front dans le conflit.

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