Le 9 mars 2025, le département d’État américain a annoncé l’ouverture des États-Unis à un partenariat avec la République Démocratique du Congo (RDC) dans le secteur minier vital. Cette initiative s’inscrit dans un nouveau cadre de politique étrangère sous la présidence de Donald Trump, qui a pris ses fonctions en janvier 2025, principalement axé sur la sécurisation de l’accès mondial aux ressources et aux richesses naturelles. L’accord envisagé avec le gouvernement de la RDC fait partie de cette nouvelle stratégie américaine envers l’Afrique.
En février, certains journaux américains ont rapporté des discussions préliminaires entre les gouvernements de la RDC et des États-Unis concernant un accord de sécurité potentiel. Kinshasa a proposé à l’administration Trump l’accès à des sites miniers dans l’est de la RDC et le contrôle d’un des ports maritimes dans ses eaux territoriales pour des opérations de stockage et d’exportation. En échange, des forces américaines formeraient et équiperaient l’armée congolaise pour protéger les voies d’approvisionnement en minerais contre les mouvements rebelles soutenus régionalement. Cependant, certains estiment que cela contredit la position de Trump sur le retrait des troupes américaines stationnées à l’étranger, conformément à son principe “L’Amérique d’abord”.
Cela reflète plusieurs tentatives du gouvernement congolais pour convaincre l’administration américaine de finaliser l’accord. Le 17 mars 2025, le président congolais Félix Tshisekedi a rencontré l’envoyé spécial américain, le sénateur Ronny Jackson, pour discuter des opportunités d’investissement américain en RDC et des affrontements dans la région orientale. De plus, le sénateur congolais Pierre Kanda a envoyé une lettre au secrétaire d’État américain Marco Rubio demandant un partenariat entre Washington et Kinshasa dans le secteur minier.
Bien que l’accord potentiel semble principalement axé sur l’économie et la sécurité, il ne dissimule pas les autres dimensions géopolitiques que cette étape reflète de la part du gouvernement de Kinshasa. Elle met en lumière les complexités des relations régionales et internationales dans la région des Grands Lacs, directement liées à l’avenir du conflit en cours entre le Rwanda et la RDC dans un avenir proche. Cela ouvre également la possibilité pour la RDC de devenir un nouveau champ de bataille pour la compétition américano-chinoise, Washington s’efforçant de contrer l’influence croissante de la Chine dans le secteur minier congolais. Ce scénario révèle la lutte internationale, de la part des États-Unis notamment, pour obtenir une influence dans l’équation de sécurité régionale de la région des Grands Lacs, alors que les tensions et les conflits dans l’est de la RDC sont à la hausse. La situation souligne la concurrence féroce entre les grandes puissances pour les ressources africaines, en particulier les minéraux essentiels nécessaires aux industries technologiques avancées et à l’énergie propre.
Le projet d’accord proposé par la RDC peut être considéré comme une carte de négociation pour le gouvernement de Tshisekedi afin d’obtenir le soutien des États-Unis pour contenir les menaces posées par le mouvement du 23 mars et saper les efforts rwandais visant à menacer l’intérieur congolais, ce qui lui permettrait de saisir les richesses minérales, selon les allégations de Kinshasa. Par conséquent, à travers cette proposition, la RDC vise à équilibrer les avantages des investissements américains—qui pourraient contrebalancer l’influence croissante de la Chine dans le secteur minier—tout en maintenant sa souveraineté nationale concernant la protection de ses ressources naturelles.
La signification de cette proposition se reflète dans le fait que Kinshasa a engagé certains groupes de pression américains pour un coût de 1,4 million de dollars dans le but de promouvoir l’accord potentiel au sein des cercles politiques américains et de pousser à sa ratification par les États-Unis.
Implications révélatrices
Cette démarche révèle de nombreuses implications qui illustrent la nature des interactions au sein du paysage congolais à la fois au niveau régional et international. Parmi les implications notables, on peut citer :
Importance stratégique de la RDC dans le domaine minier : La RDC possède d’énormes réserves de minéraux essentiels, représentant près de 50 minerais ; elle produit plus de 70 % du cobalt mondial, un élément clé dans la production de batteries lithium pour ordinateurs, téléphones, véhicules électriques, moteurs d’avion et turbines. La RDC est également le premier producteur de cuivre en Afrique et le deuxième au monde, détenant 70 % du coltan mondial. Des rapports indiquent que Kinshasa dispose de ressources minérales inexploitées d’une valeur d’environ 24 trillions de dollars, parmi lesquelles le tantale utilisé dans les condensateurs et les semi-conducteurs, l’étain utilisé dans les produits chimiques et l’énergie, ainsi que l’uranium, les diamants, l’or, le zinc et le cuivre, ce qui en fait un point d’intérêt pour les puissances mondiales cherchant à consolider leur influence en Afrique.
Renforcement de la légitimité de Tshisekedi en RDC : Le succès potentiel du président Tshisekedi—s’il parvient à obtenir un soutien américain aux niveaux politique et sécuritaire après la conclusion de l’accord allégué—pourrait conduire à l’élimination de la rébellion dans l’est de la RDC et à l’arrêt du pillage des minerais essentiels envoyés vers le Rwanda, ce qui pourrait limiter son rôle déstabilisateur, selon Kinshasa. Cela pourrait renforcer la position interne de Tshisekedi, d’autant plus que son emprise sur le pouvoir est devenue de plus en plus fragile amid des tensions politiques croissantes.
Recherche de soutien américain contre la rébellion et le terrorisme : La proposition du président Tshisekedi concernant un accord avec les États-Unis (minerais contre sécurité) révèle l’incapacité de l’armée congolaise à contenir les risques et menaces du mouvement rebelle du 23 mars soutenu par le Rwanda, ainsi que l’augmentation des activités de certains groupes terroristes, comme les Forces démocratiques alliées (ADF) alignées sur l’État islamique en Afrique centrale, responsables de nombreuses attaques dans l’est de la RDC. Cette situation illustre les facteurs contribuant à la vulnérabilité croissante de l’armée congolaise, notamment la corruption et les luttes pour des intérêts étroits.
Dans ce contexte, certains dirigeants africains continuent de parier sur le soutien des États-Unis, reconnaissant que Washington détient encore la plupart des cartes du jeu international en Afrique, malgré une relative baisse de l’influence américaine ces dernières années. La RDC a exprimé son intention d’élargir ses alliances de sécurité internationales avec Washington, cherchant notamment à signer un contrat avec la société militaire privée Blackwater, dirigée par Eric Prince, un proche allié de Trump. Des rapports suggèrent qu’une délégation de la société aurait visité la RDC pour discuter avec le gouvernement de la coopération dans la lutte contre l’évasion fiscale des producteurs et exportateurs de minerais.
Mise sous pression du Rwanda pour mettre fin à son soutien à la rébellion : Le président Tshisekedi souhaite inciter Washington à intervenir dans la crise de son pays afin d’exercer une pression supplémentaire sur le Rwanda pour qu’il retire son soutien au mouvement rebelle du 23 mars dans l’est de la RDC, qui a intensifié ses activités ces dernières années, notamment en s’emparant récemment de deux grandes villes, Bukavu et Goma. L’administration américaine a pris des mesures préliminaires en ce sens, avec le département du Trésor américain annonçant de nouvelles sanctions contre le ministre d’État rwandais de l’intégration régionale, James Kabarebe, ainsi que contre le porte-parole du mouvement du 23 mars, Lawrence Kanyuka, pour leur soutien à la rébellion et au terrorisme dans l’est de la RDC.
Dans ce contexte, le gouvernement de Kinshasa est conscient qu’un accord potentiel avec Washington pourrait mettre un terme aux opérations de pillage et d’exportation de minerais supervisées par le Rwanda, selon les allégations de Kinshasa. Un rapport des Nations Unies a indiqué que le gouvernement rwandais avait confisqué 150 tonnes de coltan dans des mines congolaises.
Ainsi, cette démarche est considérée comme un défi lancé au Rwanda, surtout après les accusations de pillage des ressources et des minerais de Kinshasa, ce qui a conduit cette dernière à exiger que Washington achète directement des minerais essentiels auprès d’elle plutôt qu’au Rwanda—qu’elle accuse de les piller—arguant que les Congolais en sont les propriétaires légitimes. Dans ce cadre, Kinshasa souhaite contrecarrer l’accord entre le Rwanda et l’Union européenne, dénommé “monnaie contre minerais”, accusant le gouvernement congolais de complicité avec Kigali dans le vol des ressources du pays.
Par conséquent, la RDC cherche à mettre fin à la rébellion dans sa région orientale, sachant que des rapports indiquent que le mouvement du 23 mars impose des taxes sur les activités minières, notamment en percevant environ 800 000 dollars par mois d’une seule mine de coltan dans la région de Rubaya, dans le Nord-Kivu. Cela a probablement poussé Cornel Nanga, le leader des rebelles du 23 mars, à affirmer que l’accord minier proposé entre la RDC et les États-Unis ne mettrait pas fin aux combats dans l’est de la RDC, ce qui indique le rejet de la part du mouvement de tout partenariat avec Washington dans le secteur minier.
Affaiblissement de la confiance de Kinshasa dans le processus de négociation : Le processus de négociation facilité par l’Angola sous l’égide de l’Union africaine n’a pas donné de résultats positifs pour convaincre la RDC et le Rwanda de parvenir à un règlement pour mettre fin au conflit armé dans l’est de la RDC, impliquant le mouvement du 23 mars. Malgré un accord entre le président congolais Tshisekedi et le président rwandais Paul Kagame, qui se sont rencontrés à Doha, au Qatar, sur un cessez-le-feu dans l’est de la RDC, le mouvement du 23 mars a intensifié ses activités en s’emparant de deux grandes villes, Goma et Bukavu. Il semble que Kinshasa ait pris conscience de l’inefficacité du processus de négociation avec le Rwanda, ce qui l’a poussée à se tourner vers Washington pour obtenir un accord lui permettant d’accéder à des minerais essentiels en échange d’une assistance américaine dans la crise de l’est de la RDC pour contenir les menaces sécuritaires, y compris forcer le Rwanda à retirer son soutien au mouvement rebelle dans la région.
Efforts de Washington pour sécuriser les minerais essentiels en Afrique : Le nouvel angle américain envers l’Afrique sous l’administration Trump semble se concentrer principalement sur l’acquisition des ressources et des richesses africaines, comme l’a révélé le “Projet 2025”, qui révèle l’intérêt de l’équipe de Trump durant sa campagne électorale pour l’importance de l’appropriation des ressources naturelles dont disposent les pays africains. Trump a fait de l’accès des entreprises américaines aux ressources naturelles une pierre angulaire de la politique étrangère américaine, liant l’acquisition de la sécurité à l’appropriation des minerais essentiels à travers le monde. Cela s’est matérialisé dans les discussions de Washington avec l’Ukraine pour obtenir 50 % des minerais rares ukrainiens en échange de la poursuite de l’aide américaine à Kyiv dans ses confrontations militaires contre la Russie.
Dans ce cadre, il est reconnu que les minerais possédés par la République Démocratique du Congo sont cruciaux pour les États-Unis. Par conséquent, les entreprises américaines cherchent à contrôler les ressources et les minerais africains au profit du fonds souverain américain lancé par Trump, afin de sécuriser ses industries technologiques modernes qui dépendent principalement de certains minerais essentiels, tels que le cobalt, le lithium, le cuivre et le tantale. Cela accroît leur compétitivité sur le marché international des industries technologiques avancées, en particulier par rapport aux entreprises chinoises leaders dans ce secteur.
Objectif américain de contrer l’influence chinoise à Kinshasa : Depuis l’ascension de Trump, des efforts américains visent à casser l’emprise de la Chine sur les ressources minérales africaines. L’accord potentiel pourrait offrir à Washington l’opportunité de contrer la présence chinoise bien ancrée dans le secteur minier de la RDC et de réduire sa dépendance à l’égard de celle-ci, en tant que plus grand raffineur de minerais de base au monde. Les entreprises chinoises dominent les opérations minières, détenant des parts importantes dans la production de cuivre et de cobalt congolais, contrôlant environ 80 % des activités minières dans le pays. Le changement de politique du président Tshisekedi représente une opportunité rare pour les États-Unis d’établir des chaînes d’approvisionnement pour les minerais essentiels.
Cette approche américaine est en cohérence avec les efforts du gouvernement congolais, qui considère le partenariat avec les États-Unis comme une stratégie efficace pour diversifier ses destinations d’exportation et atténuer l’influence chinoise croissante dans le secteur minier du pays.
Conséquences potentielles
La proposition du président Tshisekedi aux États-Unis comporte de nombreuses conséquences potentielles à des niveaux domestiques, régionaux et internationaux. Parmi ces conséquences, on peut noter :
Probabilité d’une augmentation des manifestations internes en RDC : L’opposition politique en RDC pourrait exploiter l’approche du gouvernement de Tshisekedi consistant à céder des minerais essentiels aux États-Unis en échange d’une aide pour se débarrasser de la rébellion dans l’est de la RDC, en appelant à des manifestations massives contre la décision de Tshisekedi et en le forçant à revenir sur sa proposition avant qu’elle ne se transforme en un accord officiel avec Washington. Cela pourrait avoir un impact négatif sur la popularité du président Tshisekedi, déjà affaiblie par des tensions politiques, économiques et sécuritaires dans le pays, ce qui pourrait signifier une nouvelle vague d’instabilité interne.
Tendance potentielle de Kinshasa à renoncer aux troupes de l’ONU : Le gouvernement congolais pourrait envisager de se passer de la mission de maintien de la paix des Nations Unies si l’accord potentiel avec Washington était conclu, d’autant plus que le gouvernement de Tshisekedi le considère comme inefficace dans le pays. Toutefois, cela dépend de la capacité du président congolais à convaincre Washington de déployer des troupes américaines sur le terrain pour contenir la rébellion dans l’est du pays—ce qui semblerait difficile au regard des inclinations de Trump depuis son arrivée au pouvoir à retirer les soldats américains et à éviter de les impliquer dans des conflits externes. Cependant, ce projet pourrait évoluer si Trump se montre désireux de s’approprier des minerais essentiels dans des zones riches, en particulier en Afrique.
Importance stratégique croissante du projet de corridor de Lobito : Si Washington parvient à conclure cet accord, l’influence américaine concernant l’appropriation des minerais essentiels dans la région devrait croître, notamment parce que la présence américaine pourrait accélérer l’achèvement du projet de corridor de Lobito, financé par Washington, reliant les mines de Zambie et du sud-est de la RDC au port de Lobito en Angola et, par la suite, aux eaux chaudes. Cela pourrait renforcer les approvisionnements américains pour les chaînes d’approvisionnement en minerais, tout en infligeant un coup sévère à l’influence chinoise croissante dans la région.
Encouragement des investissements étrangers en RDC : On s’attend à ce que Washington incite les entreprises américaines actives dans le secteur minier et les investisseurs à injecter davantage d’investissements directs dans le secteur minier en RDC, ce qui pourrait renforcer la présence économique américaine sur le continent et ouvrir de nouvelles opportunités pour les entreprises américaines, loin de la domination des concurrents stratégiques comme la Chine et l’Union européenne.
Croissance de l’intérêt américain pour la région des Grands Lacs : Cette région semble prête à devenir un nouveau champ de bataille de la compétition internationale, compte tenu de la ruée des puissances engagées pour les ressources et les minerais essentiels nécessaires à l’amélioration de leurs industries technologiques avancées. Washington cherche à renforcer sa présence dans cette zone, profitant des demandes du gouvernement congolais de s’impliquer dans la crise ; des rapports indiquent que le président Trump envisage de nommer un envoyé spécial américain dans la région, ce qui reflète l’intérêt américain de consolider sa présence en RDC en vue d’un potentiel accord bilatéral important concernant des minerais stratégiques dans un avenir proche.
Dans l’ensemble, il semble que le président Tshisekedi est sur le point d’enchevêtrer son pays dans un terrain de compétition internationale, notamment dans la rivalité américano-chinoise sur les ressources et les minerais essentiels en RDC, ce qui pourrait ouvrir la voie à d’autres puissances internationales, telles que la Russie et la Turquie, renforçant ainsi la domination étrangère sur les ressources africaines. En fin de compte, cela pourrait aboutir à l’échec de Tshisekedi à atteindre ses objectifs—mettre fin à la rébellion dans l’est du pays et forcer le Rwanda à retirer son soutien au mouvement du 23 mars tout en stoppant le pillage des minerais congolais—d’autant plus qu’il est peu probable que Washington, s’il signe un accord avec le gouvernement de Kinshasa, accepte de déployer des troupes américaines au sol dans l’est de la RDC. Cependant, cela pourrait offrir au gouvernement congolais un soutien logistique pour renforcer les capacités de son armée face aux rebelles.
Mais le seul bénéficiaire demeure le président Trump, connu pour son sens des affaires, d’autant plus qu’il s’agit de la première fois qu’un chef d’État lui propose un tel accord, tandis qu’il rencontre des difficultés à mener à bien des accords similaires, par exemple avec l’Ukraine. Cela renforce les prévisions selon lesquelles l’Afrique pourrait devenir le prochain terrain stratégique pour Trump afin de conclure de nombreux accords d’échange avec les pays africains. Cela pourrait entraîner l’émergence d’une nouvelle phase d’influence américaine sur le continent africain dans les quatre prochaines années, au moins.

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