L’Indice mondial du terrorisme, publié par l’Institute for Economics and Peace basé à Sydney, Australie, en mars 2025, couvrant la situation terroriste mondiale en 2024, met en évidence l’augmentation de l’activité terroriste dans la région du Sahel africain, indiquant qu’elle est devenue un centre mondial pour ce phénomène qui prospère là où existent la fragilité économique, le sous-développement, l’insécurité, la pauvreté et l’ignorance.

Parmi les dix pays les plus touchés par le terrorisme dans le monde, six sont des nations africaines, principalement du Sahel, l’un d’entre eux étant en tête de liste. Cela illustre la profonde infiltration des activités des groupes armés dans cette région, en particulier de groupes qui ont été chassés du Moyen-Orient, tels que l’État islamique (EI), qui s’est rapidement répandu dans diverses régions africaines ces dernières années, exploitant la fragilité de la situation en Libye pour accéder au Sahel et à d’autres régions variées.

Des groupes armés locaux contribuent également à ce scénario, tels que le « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » qui a émergé au Mali et opère actuellement dans le triangle frontalier entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ou les « Al-Shabaab » de Somalie, qui concentrent principalement leur activité en Somalie mais ciblent également les pays voisins.

Dans l’ensemble, l’indice reflète un schéma d’attaques terroristes en hausse et en baisse variant d’un pays africain à un autre et d’un pays mondial à un autre ; cependant, il brosse un tableau général selon lequel la guerre contre le terrorisme sur le continent africain reste une bataille perdue pour les régimes au pouvoir dans divers pays touchés, qu’ils soient civils ou militaires.

Bien que la détérioration de la situation sécuritaire ait souvent conduit les armées africaines à évincer les présidents civils, il n’y a guère de changement notable dans les approches et les visions pour affronter le phénomène terroriste. Diverses raisons à cela seront discutées ci-dessous.

Données générales sur l’indice

L’Institute for Economics and Peace a été établi en Australie en 2007 et est désormais considéré comme l’un des principaux centres mesurant les indicateurs de paix mondiale, avec des partenariats avec plusieurs organisations des Nations Unies et institutions internationales telles que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’UNICEF et la Banque mondiale.

À partir de 2012, l’institut a commencé à publier un indice mondial du terrorisme qui se concentre sur la surveillance et le suivi de la propagation du terrorisme dans le monde. Cet indice est basé sur « des données incluant le nombre total d’incidents terroristes tout au long de l’année, le nombre total de morts, de blessés et d’otages ».

Concernant l’indice publié en mars concernant le suivi du terrorisme mondial en 2024, il a noté une augmentation du nombre de pays ayant subi des attaques terroristes, passant de 58 à 66, parallèlement à une diminution de 13 % du nombre de décès liés au terrorisme par rapport à 2023 et une baisse mondiale de 3 % du nombre d’attaques.

Les données de l’indice ont confirmé que des organisations telles que l’EI, le « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans », les « Talibans pakistanais » et les « Al-Shabaab » de Somalie étaient responsables du plus grand nombre de morts dans le monde.

L’indice s’est principalement concentré sur l’évaluation des conditions de sécurité dans 163 pays à travers le monde, soit en raison d’une préoccupation directe concernant les menaces terroristes provenant d’attaques subies ou déjouées, soit en raison de leur proximité avec des pays où des attaques ont eu lieu.

Néanmoins, de nombreux pays africains ont maintenu un bilan exempt d’attaques terroristes, tandis que les attaques ont augmenté dans certains pays et diminué dans d’autres pour diverses raisons. Notamment, la région du Sahel a dominé la carte mondiale en ce qui concerne le nombre d’attaques terroristes en 2024, conduisant à sa classification comme un point chaud du terrorisme.

Le Sahel : Le foyer du terrorisme mondial

L’Indice mondial du terrorisme a désigné le Burkina Faso comme le pays ayant connu le plus grand nombre de morts en 2024, avec 1 907 personnes tuées, ce qui représente 22 % du nombre total de morts causées par le terrorisme dans le monde. Le pays a également connu la plus forte augmentation du nombre de morts par rapport à 2023, avec une hausse de 68 %. Quatre des dix attaques terroristes les plus meurtrières au monde ont eu lieu au Burkina Faso. À titre d’exemple, 170 civils ont été tués dans une attaque contre le village de Zaongo dans le nord du pays.

Le Mali est arrivé en deuxième position mondiale avec 1 589 morts, suivi de l’Iran avec 994 morts, du Pakistan avec 689 et du Nigeria avec 649. À l’exception de l’Iran et du Pakistan, qui font partie des pays touchés par l’EI et les Talibans, les autres pays africains du Sahel (Burkina Faso, Mali et Nigeria) font face à des groupes extrémistes islamistes opérant sous la bannière de l’État islamique ou d’Al-Qaïda.

Par ailleurs, la région du Sahel, comprenant des pays comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Tchad et la Mauritanie, est devenue une zone de propagation accélérée du terrorisme. L’indice souligne que cette région représente 47 % du nombre de morts dus au terrorisme dans le monde, malgré la réduction globale des attaques.

L’une des caractéristiques du terrorisme dans cette région est qu’il est dirigé contre les civils. Environ 70 % des attaques enregistrées visaient des civils, notamment dans les villages et les zones rurales reculées. Le nombre de morts dans les rangs de l’armée a quant à lui diminué, ce qui reflète un changement de stratégie de la part des groupes terroristes, visant à briser le moral des populations, à contrôler les territoires et à perturber les efforts de l’État.

Le rapport souligne aussi que, dans ces pays du Sahel, les groupes terroristes ne se contentent pas d’effectuer des opérations de type guérilla, mais qu’ils administrent aussi certains territoires, collectent des impôts et imposent leurs lois, notamment la charia, à des populations livrées à elles-mêmes, en l’absence de l’État.

Pourquoi le Sahel est-il devenu une base du terrorisme ?

Le Sahel est aujourd’hui devenu le point focal du terrorisme mondial. Cette évolution résulte de plusieurs facteurs fondamentaux :

  1. L’effondrement de la Libye après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, ce qui a permis à de nombreuses armes lourdes et combattants d’affluer vers le sud, notamment vers le Mali, le Niger et le Tchad. Cela a facilité la montée de l’insurrection armée dans le nord du Mali, ouvrant la voie à l’intervention française (opération Serval en 2013), suivie d’autres interventions internationales.
  2. L’absence d’un État fort et la faiblesse des institutions dans les pays du Sahel, qui souffrent d’instabilité politique chronique, de coups d’État militaires répétés et d’une mauvaise gouvernance généralisée.
  3. Les conditions économiques déplorables : pauvreté extrême, taux de chômage élevés, absence de services publics de base comme l’éducation, la santé et la sécurité, rendant la population vulnérable à la propagande extrémiste et au recrutement par les groupes armés.
  4. Les conflits ethniques et communautaires qui sont souvent exploités par les groupes extrémistes pour se légitimer et recruter. Par exemple, certaines communautés peules ont été ciblées à la fois par les groupes armés et par les milices d’autodéfense ou les forces gouvernementales.
  5. L’échec des interventions militaires étrangères, notamment françaises, à endiguer la menace. Malgré plus d’une décennie de présence militaire, les attaques n’ont cessé d’augmenter. Cela a contribué à nourrir le sentiment anti-français dans plusieurs pays sahéliens, ce qui a poussé les juntes militaires récentes à expulser les forces françaises et à se tourner vers d’autres partenaires comme la Russie.

L’Afrique et la nouvelle géopolitique du terrorisme

La concentration croissante des activités terroristes en Afrique, notamment dans le Sahel, redéfinit la carte mondiale de la menace. Là où le Moyen-Orient représentait autrefois l’épicentre du terrorisme, ce rôle est désormais largement transféré à l’Afrique. Cette évolution a des implications stratégiques majeures, tant pour les pays africains eux-mêmes que pour la communauté internationale.

1. Déclin d’Al-Qaïda et de l’EI au Moyen-Orient :
La défaite de l’État islamique en Irak et en Syrie (avec la chute de Mossoul en 2017 et de Raqqa en 2019) a forcé les groupes extrémistes à décentraliser leurs opérations. L’Afrique est devenue un terrain fertile pour cette délocalisation. On assiste à l’émergence de provinces affiliées à l’EI, comme l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) ou l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).

2. L’Afrique comme nouveau champ de bataille de l’influence internationale :
Face à l’enlisement des interventions occidentales, notamment françaises, de nouveaux acteurs s’impliquent en Afrique. La Russie, à travers le groupe Wagner, a renforcé sa présence au Mali, en Centrafrique et au Burkina Faso. La Chine, elle, mise sur le soft power, les investissements économiques et la formation des forces de sécurité africaines. Les États-Unis, bien que plus discrets, restent impliqués à travers des bases de drones, du renseignement et des opérations spéciales.

3. Vers une africanisation de la lutte antiterroriste ?
De plus en plus de voix africaines appellent à une solution locale aux problèmes sécuritaires. L’échec relatif des stratégies internationales conduit certains gouvernements à vouloir développer leurs propres forces, alliances régionales et stratégies. L’Alliance des États du Sahel (AES), formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, en est un exemple. Toutefois, ces pays sont dirigés par des juntes militaires dont la légitimité est contestée et les capacités limitées.

4. Risque de contagion régionale :
L’expansion du terrorisme ne se limite pas au Sahel. Des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire commencent à subir des attaques. Plus au sud, les groupes liés à l’EI sont actifs en République démocratique du Congo et au Mozambique. Le risque est que l’Afrique, dans son ensemble, devienne un foyer permanent d’instabilité.

Conclusion

Le terrorisme en Afrique, en particulier dans la région du Sahel, n’est plus un phénomène périphérique. Il est devenu central dans les dynamiques de sécurité internationale. Le déplacement de l’épicentre du terrorisme mondial vers le continent africain exige une réflexion stratégique profonde, loin des réponses militaires classiques.

Pour éradiquer la menace de manière durable, il faut s’attaquer aux causes profondes : gouvernance défaillante, pauvreté, marginalisation des communautés, manque d’éducation et absence de perspectives économiques. Sans cela, les groupes extrémistes continueront de prospérer dans les interstices laissés par l’État.

ThèmeDétails
Acteurs principaux– Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM – lié à Al-Qaïda) – État islamique au Grand Sahara (EIGS)
Zones affectéesMali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Nord Bénin, Nord Togo, Nord Côte d’Ivoire, Mozambique, RDC
Causes profondes– Faiblesse de l’État – Inégalités sociales – Conflits communautaires – Sous-développement
Échecs internationaux– Stratégies militaires peu efficaces – Dépendance à l’aide extérieure – Crise de légitimité
Nouveaux acteurs étrangers– Russie (Wagner) – Chine (coopération sécuritaire) – États-Unis (renseignement, drones)
Dynamiques régionales– Alliance des États du Sahel (AES) – Retrait progressif des forces françaises (ex : Barkhane)
Tendances géopolitiques– Déclin d’Al-Qaïda & EI au Moyen-Orient – Recentrage du terrorisme mondial vers l’Afrique
Risques futurs– Extension vers les pays côtiers – Radicalisation locale – Instabilité prolongée
Solutions durables– Gouvernance inclusive – Développement économique – Réforme des armées – Dialogue local

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2) See the topic:

Global Terrorism Index, Acomprehensive summary of the key global trends and patterns in terrorism over the last decade, seen on February 16, 2025, https://urls.fr/xABvNJ

3) Analytical reading of Sub-Saharan Africa’s position in the Global Terrorism Index 2025, African readings, March 20, 2025 (accessed April 16, 2025), https://urls.fr/2N7UBj

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