Le président français Emmanuel Macron a appelé à plusieurs reprises à la mise en œuvre de l’idée de « Procurement Européen » ou « Préférence Européenne » lors des sommets des dirigeants européens, notamment celui tenu en Belgique le 3 février 2025, le premier jour du sommet de l’IA à Paris le 9 février 2025, et lors d’une interview avec le Financial Times le 14 février 2025. Macron estime que le renforcement des capacités industrielles au sein de l’UE est une nécessité stratégique pour faire face à l’augmentation des défis de sécurité et économiques, tout en réduisant la dépendance vis-à-vis des États-Unis dans le secteur de la défense. Cependant, cette initiative rencontre des défis internes en raison des divisions entre les États membres et des inquiétudes concernant les répercussions économiques et politiques potentielles.
La stratégie de Macron
Macron vise à promouvoir l’achat de produits européens, en particulier dans les domaines de la défense et de la technologie, selon les orientations suivantes :
Renforcer la souveraineté européenne : Macron considère le « Procurement Européen » comme un outil pour accroître l’indépendance de l’Union européenne et réduire la dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes, notamment des États-Unis, dans les secteurs de la défense et des industries stratégiques. Compte tenu des tensions géopolitiques croissantes, notamment avec la guerre en Ukraine, l’idée d’atteindre l’autosuffisance européenne est devenue plus pressante. Macron estime que le renforcement des capacités industrielles de défense de l’UE n’est pas seulement une option économique, mais une nécessité stratégique visant à protéger l’Europe des fluctuations des politiques étrangères des grandes puissances. Une dépendance excessive à Washington dans le secteur de la défense pourrait représenter une menace à long terme pour la capacité de l’Europe à prendre des décisions indépendantes. De plus, augmenter la production militaire européenne peut fournir à l’UE un avantage concurrentiel et minimiser les risques de chaîne d’approvisionnement pendant les crises.
Soutenir l’industrie européenne : En encourageant les États membres à acheter des produits européens, Macron cherche à stimuler l’innovation et à améliorer la compétitivité des entreprises européennes ; des avantages qui se traduiraient positivement sur l’économie et l’emploi. La France estime que le développement d’une industrie de défense européenne avancée peut favoriser la croissance industrielle et créer des milliers d’emplois sur le continent. L’initiative en faveur du « Procurement Européen » s’aligne sur les efforts en cours pour augmenter les investissements dans la recherche et le développement au sein du secteur de la défense européenne, ce qui entraînera la production de technologies plus avancées.
Réduire la domination américaine : Cette approche reflète un désir de diminuer l’influence des États-Unis sur les marchés européens, en particulier dans le secteur de la défense où de nombreux pays européens dépendent d’équipements militaires américains. Selon Macron, l’UE ne devrait pas être un simple marché pour les matériaux américains, mais doit être capable de produire ses propres ressources de défense. Cette position fait écho à des préoccupations plus larges concernant les tendances politiques américaines, surtout avec le retour de Trump au pouvoir, et les changements potentiels des engagements sécuritaires de Washington envers l’Europe. De plus, une dépendance excessive aux États-Unis impose des limites aux options de l’UE lors de grandes crises, où l’Europe pourrait se voir contrainte de prendre des décisions en fonction des intérêts américains plutôt que des siens.
Répondre aux défis géopolitiques : Alors que les menaces à la sécurité, comme la guerre en Ukraine, augmentent, Macron soutient que le Procurement Européen est crucial pour renforcer les capacités de défense collective, surtout au regard des priorités américaines changeantes concernant l’Europe. La France reconnaît que tout changement de position de la part des États-Unis pourrait rendre l’UE vulnérable aux menaces de pays comme la Russie et la Chine. Ainsi, le développement d’une base industrielle européenne robuste est impératif. De plus, prioriser la production européenne contribue à une meilleure coordination de défense entre les États membres, améliorant ainsi la préparation de l’Europe face aux crises futures. Dans ce contexte, Macron affirme que l’Europe doit être capable d’agir avec flexibilité en temps de crise sans attendre de décisions venues de l’autre côté de l’Atlantique.
Impact du retour de Trump
Le retour de Trump au pouvoir aux États-Unis a des effets directs sur les équilibres de défense européens et le débat en cours sur la politique de Procurement Européen au sein de l’UE :
Accroissement de la pression sur les gouvernements européens pour importer des armes américaines : Avec le retour de Trump, de nombreuses capitales européennes subissent une pression de Washington pour maintenir les importations d’équipements militaires américains. L’administration américaine s’efforce de persuader certains États membres que le renforcement de la dépendance à l’égard des capacités européennes pourrait affaiblir le parapluie de protection que les États-Unis fournissent par le biais de l’OTAN. De plus, certaines nations, notamment en Europe de l’Est, considèrent le maintien de liens de défense avec Washington comme une garantie nécessaire pour leur sécurité face aux menaces russes.
Inquiétudes croissantes concernant l’engagement américain à défendre l’Europe : Avec les déclarations répétées de Trump sur la réduction des engagements américains envers l’OTAN, de nombreux pays européens ont commencé à réévaluer leur dépendance à la protection des États-Unis. Certains dirigeants européens estiment qu’une dépendance excessive à l’aide militaire américaine pourrait devenir insoutenable, surtout si Washington choisit de réduire son rôle militaire sur le continent. En conséquence, certains pays ont commencé à soutenir l’idée de renforcer les capacités de défense européennes par le biais du Procurement Européen. Cette tendance vise non seulement l’autosuffisance, mais également la création d’une capacité de dissuasion indépendante contre les menaces extérieures.
Profound divisions among European countries: Le retour de Trump a conduit à une fracture parmi les nations européennes entre celles qui plaident pour une plus grande indépendance en matière de défense européenne et celles qui préfèrent une forte coordination militaire avec les États-Unis. Des pays occidentaux majeurs comme la France et l’Allemagne poussent en faveur d’une politique plus indépendante, tandis que les États de l’Est européen et baltes préfèrent maintenir des partenariats de défense avec les États-Unis. Ces divisions entravent les efforts pour unifier les politiques de défense européennes, rendant l’accord sur le Procurement Européen plus difficile.
Réévaluation des projets de défense communs : À mesure que les pressions externes augmentent, certains pays européens amplifient leurs efforts pour améliorer les programmes de défense communs, tels que la coopération structurée permanente (PESCO). Cette initiative cherche à améliorer la coordination militaire entre les États membres et à développer des systèmes d’armement communs pour réduire la dépendance aux importations étrangères. Cependant, ces efforts rencontrent des défis politiques et économiques en raison de désaccords entre certains États membres concernant le financement et la gestion de ces projets. Malgré ces défis, la tendance à intensifier la coopération en matière de défense européenne est devenue plus cruciale en raison de l’incertitude croissante concernant le soutien américain futur. Ce développement pourrait conduire à une restructuration des priorités de défense de l’UE, garantissant une réduction de la dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes et renforçant l’autonomie stratégique.
Tendances opposées
Les facteurs européens entravant la mise en œuvre de cette initiative peuvent être attribués aux raisons suivantes :
Dépendance continue à la technologie américaine : Certains pays européens, en particulier les États baltes et la Pologne, préfèrent continuer à acheter des équipements militaires américains pour sécuriser l’engagement de Washington envers leur sécurité, en particulier face à la Russie. Ces nations estiment que leur relation militaire avec les États-Unis fournit des garanties de sécurité fiables que l’industrie de défense européenne ne peut pas assurer à court terme. De plus, bon nombre de leurs systèmes militaires sont intégrés à la technologie américaine, rendant difficile un changement vers des achats européens sans encourir des coûts financiers et techniques significatifs. Au milieu des tensions persistantes avec Moscou, ces pays considèrent la dépendance exclusive aux armes européennes comme un risque majeur.
Déficits dans la production de défense européenne : L’industrie de défense européenne est lente à la production par rapport aux fournisseurs américains, conduisant certains pays à voir le « Procurement Européen » comme un obstacle potentiel à leurs capacités de défense urgentes. En raison d’une infrastructure industrielle militaire inadéquate dans certaines nations européennes, la production et l’approvisionnement en équipements militaires prennent plus de temps, ce qui peut créer des lacunes dans les capacités de défense. De nombreux pays européens dépendent de l’approvisionnement rapide en temps de crise, ce qui est difficile avec les fournisseurs européens en raison des longs délais de fabrication et des approbations de contrats.
Coûts élevés des produits européens : Les produits européens sont parfois plus chers que leurs homologues américains, ce qui pousse certains gouvernements à hésiter à adopter une politique de Procurement Européen, notamment en raison des contraintes budgétaires. Ce facteur est crucial pour les pays ayant des dépenses de défense limitées qui cherchent à obtenir le meilleur niveau d’efficacité pour leurs coûts. En général, les entreprises américaines proposent des offres facilitées incluant des contrats de soutien et de maintenance à long terme, rendant les offres européennes économiquement moins attractives.
Pressions politiques et économiques sur certains gouvernements européens : Certains gouvernements européens subissent des pressions de la part d’entreprises américaines et d’alliances politiques qui promeuvent la coopération militaire transatlantique, les rendant réticents à privilégier les produits européens. Certaines nations européennes dépendent des investissements américains dans leurs secteurs de défense, exerçant des pressions de la part des industries locales pour maintenir les relations commerciales avec Washington. De plus, les États-Unis exercent une forte influence politique au sein de l’OTAN, incitant les alliés européens à acheter des équipements américains dans le cadre de leurs engagements de défense communs.
Considérant l’initiative de Procurement Européen comme une violation des règles du marché libre : Les économistes libéraux soutiennent que cette approche pourrait contrevenir aux règles du marché libre au sein de l’UE, risquant d’inviter des politiques de représailles de la part des partenaires commerciaux. Ils soutiennent que l’imposition d’une préférence pour les produits européens dans le secteur de la défense pourrait conduire à des politiques protectionnistes qui nuiraient à la compétitivité mondiale du marché européen. Les pays dépendants des exportations d’armements en dehors de l’Europe pourraient également faire face à des restrictions de la part des pays affectés par cette politique, ce qui pourrait nuire à leurs économies.
Effets potentiels
L’amélioration du « Procurement Européen » présente de multiples contributions et défis au niveau européen, notamment :
Soutenir l’autonomie de défense européenne : Le Procurement Européen contribue à réduire la dépendance à l’égard des fournisseurs externes, offrant à l’Europe une plus grande capacité pour prendre des décisions de défense indépendantes. Face à l’augmentation des risques de sécurité, le développement d’une base industrielle militaire nationale atténue les préoccupations concernant les contraintes que des pays non européens pourraient imposer à leurs exportations de défense, permettant à l’UE de développer des stratégies de défense mieux adaptées à ses besoins, indépendamment des influences extérieures. En période de crise, comme la guerre en Ukraine, disposer de ressources autosuffisantes pouvant être rapidement mobilisées sans nécessiter d’approbations externes devient crucial.
Améliorer la coordination de défense entre les nations européennes : La politique de Procurement Européen pourrait inciter les États membres à renforcer leur coopération militaire collective, conduisant à une meilleure intégration du secteur de fabrication de défense. Cela se traduira par la normalisation des spécifications techniques pour l’équipement militaire, facilitant la maintenance et la logistique entre les différentes armées européennes. De plus, le Procurement Européen augmente le potentiel de développement de projets communs, tels que des systèmes de défense aérienne et des missiles balistiques, réduisant ainsi les coûts et améliorant l’efficacité opérationnelle. En outre, une coopération défensive plus approfondie permet d’établir des unités militaires conjointes capables de répondre rapidement en période de crise.
Réaliser des gains économiques pour l’industrie de défense européenne : La priorité accordée aux produits européens stimule la croissance économique au sein de l’UE, les entreprises de fabrication bénéficiant de contrats à long terme. Cela favorise l’innovation technologique dans le secteur de la défense, améliorant la compétitivité de l’Europe sur le marché mondial des armes. De plus, le soutien à la production locale crée de nouvelles opportunités d’emploi et développe des compétences de haute technologie sur le continent. Ce soutien financier aux industries de défense garantit la poursuite de la recherche et du développement dans des domaines tels que l’intelligence artificielle et les technologies de cybersécurité, renforçant ainsi la sécurité européenne face aux menaces modernes.
Améliorer la capacité à contrer les menaces non traditionnelles : Si elle est largement mise en œuvre, le Procurement Européen peut renforcer la capacité de l’UE à faire face aux menaces modernes, telles que les cyberattaques et le terrorisme transnational. En soutenant les industries de défense locales, l’Europe peut développer des technologies avancées en cybersécurité et en systèmes de surveillance. Cette approche aide à renforcer l’infrastructure défensive des États membres contre des menaces non traditionnelles qui peuvent ne pas nécessiter d’intervention militaire directe, tout en réduisant la dépendance de l’Europe à l’égard des entreprises étrangères, protégeant ainsi les données sensibles des pays européens.
En conclusion, malgré les efforts de Macron pour faire avancer cette initiative, les divisions au sein de l’UE et les préoccupations concernant la réaction américaine potentielle entravent sa mise en œuvre complète. Néanmoins, les changements géopolitiques, en particulier la probabilité d’un engagement américain réduit envers la sécurité de l’Europe, pourraient rendre le Procurement Européen une option nécessaire pour certains pays, potentiellement accélérant son adoption progressive, même si cela est partiel.

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