Depuis que le président Donald Trump a pris une place centrale sur la scène politique américaine, le concept de « paix par la force » a refait surface pour décrire sa politique étrangère, devenant un sujet de controverse et de débat depuis son accession au pouvoir le 20 janvier 2025. La question est de savoir comment Trump a traduit son concept de « paix par la force » dans la réalité pour traiter les conflits les plus marquants dans le monde aujourd’hui.
Le concept de « paix par la force »
Ce concept s’inscrit dans l’école de pensée réaliste pour analyser les relations internationales, qui considère les éléments de puissance étatique et les intérêts nationaux comme essentiels pour comprendre les relations entre les États et leur quête inévitable d’accroître leur pouvoir dans un monde chaotique, caractérisé par l’absence d’autorité ou de gouvernement mondial. Cela a été clarifié par Hans Morgenthau, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, dans son livre fondateur Politics Among Nations (1948), puis développé par George Kennan dans son ouvrage sur le réalisme dans la politique étrangère américaine (1954).
Plus précisément, il relève d’un courant moderne du réalisme, appelé « réalisme offensif », associé à John Mearsheimer, également professeur à l’Université de Chicago, qui affirme qu’un État doit continuellement accroître ses sources directes de puissance sans dépendre d’aucun autre acteur, jusqu’à devenir dominant dans le système international.
En réalité, ce concept a pris diverses formes et modèles d’application, notamment la politique d’équilibre des puissances menée par la Grande-Bretagne au XIXe siècle à travers des alliances politiques et des interventions militaires pour empêcher l’émergence d’une autre puissance menaçant ses intérêts et sa position dans le système international, connue sous le nom de « Pax Britannica ». Il inclut aussi les guerres entre grandes puissances et leurs alliés pour résoudre leurs rivalités, comme lors des Première et Seconde Guerres mondiales, où les vainqueurs ont imposé leur volonté et établi un ordre international protégeant leurs intérêts.
Il a également pris la forme d’un État utilisant la force pour imposer ses objectifs et intérêts, qualifiée par certains de « paix imposée par la force ». Cela reflète souvent une politique expansionniste aux dépens d’autres États et peuples, dont l’exemple le plus clair est la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, exprimée dans son livre A Place Under the Sun, où il affirme que les Arabes n’accepteront Israël que par la force et la coercition, car ils ne comprennent aucun autre langage. En réalité, il n’existe pas de « paix imposée par la force », car cela revient à réprimer les manifestations d’un conflit sans en résoudre les causes, ce qui garantit sa persistance et sa réapparition lorsque les circonstances le permettent.
Dans ce contexte, ceux qui suivent les déclarations et positions de Trump y trouvent un mélange de plusieurs éléments. D’un côté, il a une vision expansionniste, visible dans son désir de contrôler le Groenland, d’annexer le Canada pour en faire le 51ᵉ État américain, de s’approprier la bande de Gaza pour en faire une « Riviera » mondiale, de reprendre le canal de Panama ou de renommer le golfe du Mexique. De l’autre, il menace d’utiliser la force sous diverses formes : économiquement, en imposant des tarifs douaniers ; politiquement, par des allusions équivalant à du chantage envers d’autres dirigeants (comme l’humiliation publique du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche) ; et militairement, via un soutien armé ou l’usage direct de la force.
Le résultat est que le concept de « paix par la force » de Trump ne se limite pas à la force militaire, mais englobe tous les leviers de puissance américaine. Il se vante d’être un artisan de la paix, rappelant qu’aucune nouvelle guerre n’a éclaté sous son premier mandat, qu’il a signé l’accord de Doha (2020) avec les talibans pour retirer les troupes d’Afghanistan, et qu’il affirme que la guerre russo-ukrainienne ou israélo-gazaouite n’aurait pas eu lieu s’il était resté au pouvoir. Il estime même mériter le prix Nobel de la paix pour ces raisons.
Cela correspond à l’image que Trump a de lui-même : un négociateur habile qui utilise la puissance américaine comme une « force dissuasive » empêchant les guerres ou y mettant fin rapidement. Il considère que cette puissance s’est affaiblie sous Joe Biden, incitant d’autres à la défier, d’où sa déclaration lors de son investiture : « L’ère du déclin américain est terminée. »
Applications pratiques
La traduction concrète du concept de Trump se voit dans sa gestion de plusieurs conflits :
- La guerre russo-ukrainienne : Trump a alterné entre incitations et pressions envers Moscou et Kyiv. Avec Poutine, il a rétabli le contact, évitant les insultes pour faciliter les négociations, tout en menaçant de sanctions économiques en cas d’escalade. Avec Zelensky, il a coupé l’aide militaire pour le forcer à accepter un cessez-le-feu. Ces tactiques ont abouti à des négociations à Riyad et Djeddah en 2025, bien que l’Europe (Allemagne, France, Royaume-Uni) ait continué à soutenir Kyiv militairement.
- La guerre israélo-gazaouite : Trump a proposé de déplacer les Gazaouis vers d’autres territoires, une idée rejetée internationalement. Il a soutenu Israël militairement (livraison d’armes interdites sous Biden) tout en négociant avec le Hamas via le Qatar et l’Égypte. Son échec relatif tient à son refus de reconnaître l’occupation israélienne et le droit palestinien à l’autodétermination.
- Le dossier nucléaire iranien : Trump a combiné menaces (sanctions, risque de frappe militaire) et offre de négociations, envoyant un message à Khamenei via les Émirats arabes unis. Téhéran a refusé de discuter sous la pression, mais des pourparlers indirects auraient débuté à Oman.
- Les frappes américaines contre les Houthis : Contrairement aux autres conflits, Trump a opté pour une approche purement militaire au Yémen, bombardant intensivement les bastions houthis depuis mars 2025, sans participation internationale. Ces frappes visaient aussi à envoyer un message à l’Iran. Les Houthis ont répliqué en ciblant un porte-avions américain et un aéroport israélien.
Conclusion
Pour Trump, la « paix par la force » n’était pas qu’un slogan, mais une stratégie appliquée via une diplomatie coercitive et l’usage variable de la force. Personnalité « extrémiste pragmatique », il avance des idées radicales tout en sachant reculer face aux réalités, quitte à les réintroduire plus tard si l’occasion se présente.

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