Beaucoup de mots seront écrits sur le feu Pontife dans les jours à venir. J’aimerais en partager quelques-uns en tant qu’ancien membre du personnel.
J’ai commencé à travailler au Secrétariat d’État du Vatican sous le pape Benoît XVI en 2007. Lorsque le cardinal Bergoglio a été élu à la Chaise de Pierre en 2013, je pensais avoir une bonne compréhension de la manière dont les choses fonctionnaient. Puis, le premier pape latino-américain a décidé de bouleverser la situation. Il s’est installé non pas au Palais apostolique, mais à la Domus Sanctae Marthae pour être entouré de gens. Il rédigeait personnellement des réponses aux lettres plutôt que de nous laisser répondre en son nom. Il se promenait à la vue des touristes, seulement pour être réprimandé par son équipe de sécurité et éloigné en voiture.

Le fait est que les choses avaient besoin d’être secouées. Benoît XVI était un homme formidable et un théologien extrêmement fin. Mais il faisait confiance aux gens trop rapidement et sous-estimait ses adversaires. Il était beaucoup plus à l’aise à écrire des livres qu’à gouverner l’Église. Ce n’est pas une critique, juste un constat.
Nous avons tous, bien sûr, des faiblesses, y compris François (et Benoît). C’est le point. Le feu Pontife pouvait être jugeant et prompt à la colère. Il ne savait pas toujours quoi dire et quand. En fait, il ne semblait pas vouloir le faire. Encore une fois, ce ne sont pas des critiques, juste des observations de l’intérieur.
J’aimais le pape François autant que j’aimais son prédécesseur. Tous deux étaient des hommes de profonde prière, de charité ardente et de service inflexible. Tous deux aimaient le Seigneur et voulaient que d’autres connaissent Son amour. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour le montrer. À cet égard et à d’autres, Benoît et François étaient plus similaires que différents, bien que les médias se soient concentrés sur les différences.

Présentant au pape François ma traduction latine de Diary of a Wimpy Kid en juin 2015.
Les libéraux louaient François comme un champion du mariage homosexuel et un défenseur des droits LGBTQ. Il n’était ni l’un ni l’autre. Il rencontrait les gens là où ils en étaient et accueillait toute occasion de dialoguer, même si ses paroles et gestes étaient mal interprétés ou usurpés.
Les conservateurs le détestaient parce qu’il compromettait l’orthodoxie et fuyait la tradition. Le fait est que François a embrassé pleinement l’orthodoxie catholique même quand cela semblait autrement. Il est vrai qu’il se méfiait de la rigidité et était un peu trop soupçonneux envers la messe traditionnelle, mais si c’étaient là ses pires défauts, les catholiques devraient se réjouir.
Alors, à quoi ressemblait réellement François ? J’ai tant d’anecdotes que je dois me limiter à deux.
Peu de temps après son élection, le pape nouvellement élu est descendu dans le couloir pour rendre visite aux calligraphes papaux, dont le travail consiste à écrire à la main des bulles et décrets papaux sur de magnifiques feuilles de parchemin véritable. Leur bureau n’était pas loin du mien. Certains de ces artistes viennent de familles qui exercent ce métier depuis trois ou quatre générations. Ils sont fiers de leur art, à juste titre. Après que le principal calligraphe ait démontré pour Sa Sainteté le processus minutieux de production d’un de ces trésors (que, bien sûr, le pape lui-même devrait finalement signer), François a demandé innocemment et sans diplomatie pourquoi ces documents ne pouvaient pas être produits à l’aide d’un ordinateur et d’une imprimante. Après tout, cela ferait gagner beaucoup de temps, d’efforts, et oui, d’argent. Mais c’était la mauvaise chose à dire au mauvais moment. Les calligraphes expliquèrent à François que, avec tout le respect dû, écrire ces documents à la main garantissait leur unicité et leur authenticité. D’ailleurs, pourquoi le Vatican voudrait-il renoncer à cet art intemporel et cesser de créer ces magnifiques chefs-d’œuvre ? Bon point, répondit timidement Sa Sainteté (et les calligraphes gardèrent leur emploi).

Un exemple du magnifique travail des calligraphes papaux.
À une autre occasion, alors que François prêchait lors de la messe matinale dans la chapelle de la Domus Sanctae Marthae, un homme assis au premier rang avait les jambes croisées et les pieds étendus de manière trop relâchée (une posture inappropriée pour la liturgie sacrée). Le pape lui demanda calmement en italien de décroiser les jambes et de s’asseoir droit. Le pauvre homme (qui était très riche) ne parlait qu’anglais et ne comprenait pas ce qu’il avait dit. Quelques instants plus tard, le pape demanda à nouveau, cette fois de manière un peu plus audacieuse. Toujours pas de réponse. Enfin, alors que l’autel était préparé pour l’Eucharistie, François fixa l’homme et lui fit une courte leçon sévère sur le respect que l’on attend des gens lors de l’assistance à la Sainte Liturgie, catholique ou non. L’ancien pape pouvait être indifférent aux odeurs et aux cloches d’une grande messe, mais il n’hésitait jamais à dénoncer l’irrévérence et le manque de sérieux en ce qui concerne le culte de Dieu Tout-Puissant.

Le pape François célébrant la messe à la Domus Sanctae Marthae.
La première anecdote montre que ce qui était souvent perçu comme de l’indiscrétion était en réalité une question de franchise innocente de la part de François. L’ancien pape exprimait clairement son opinion, même si ses yeux parlaient souvent plus que ses mots. La seconde révèle un côté sévère, qui apparaissait parfois en public (voir ici et ici), mais qui n’était jamais attribuable à un esprit méchant. François reconnaissait toujours rapidement ses défauts et s’excusait.
Il vivait selon sa devise : miserando atque eligendo — “en ayant pitié et en choisissant.” François a tiré ces mots de l’exégèse de Saint Bède sur l’appel de Saint Matthieu (cf. Matt. 9:9–13). Bède explique qu’il n’y a pas de distinction entre l’acte de miséricorde de Jésus et son appel à la discipleship. Le Seigneur pardonne nos péchés en nous choisissant, et nous choisit en pardonnant nos péchés. Cette compréhension a donné à François une connaissance plus aiguë de ses propres péchés que la plupart d’entre nous n’auront jamais, et c’est dans la reconnaissance même de ses péchés que François savait que le Seigneur l’avait choisi. “Je suis un pécheur,” répondit Bergoglio lorsqu’on lui demanda dans la Chapelle Sixtine s’il acceptait la décision des Cardinaux en 2013, “mais m’étant fier de la miséricorde et de l’infinie patience de notre Seigneur Jésus-Christ et dans un esprit de pénitence, j’accepte (Peccator sum, sed super misericordia et infinita patientia Domini nostri Jesu Christi confisus et in spiritu penitentiae accepto).”
Ayant connu François, cela ne me surprend pas qu’il ait attendu Pâques pour mourir. Je suis convaincu qu’il aurait pu mourir plus tôt, mais il voulait saluer son troupeau une fois de plus, célébrer la Résurrection avec eux, partager des mots d’encouragement et offrir sa bénédiction. Il savait aussi bien que Saint Paul que Jésus était mort “afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes mais pour celui qui est mort et a été ressuscité pour eux” (2 Cor. 5:15).
Je ne connaissais pas vraiment la signification de ces mots avant de rencontrer et de servir un homme qui avait demandé qu’un seul mot soit gravé sur sa tombe : “François.”

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