France: Entre plans de retour et effacement existentiel en Afrique

Les événements récents concernant la présence française en Afrique se déroulent rapidement. La visite du ministre français des Affaires étrangères dans la région subsaharienne a inclus le Tchad, l’Éthiopie et le Sénégal, suivie des décisions du Tchad et du Sénégal de mettre fin à la présence militaire des forces françaises sur leurs territoires. De plus, la visite du président nigérian Bola Tinubu à Paris signale l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations “franco-africaines”, mettant l’accent sur les intérêts économiques plutôt que militaires. Ce changement pourrait façonner les dynamiques futures entre la France et les nations africaines, posant un dilemme pour Macron entre le changement d’une stratégie coloniale dépassée et le renforcement des cadres de coopération conjointe, fondés sur des investissements économiques diversifiés, ou la recherche de nouveaux partenaires pour établir des bases militaires sur leurs terres.

L’effacement de la présence militaire française en Afrique :

Il semble que l’Afrique ne peut plus tolérer la présence militaire de la France. Après une série de retraits d’Afrique de l’Ouest, seuls le Tchad et le Sénégal restent, où environ 500 soldats bons, formateurs et conseillers français sont stationnés. Le ministère français de la Défense avait annoncé avant les récentes élections son intention de réduire ce nombre à 260 d’ici juin, mais le président sénégalais Macky Sall a affirmé que la souveraineté et l’indépendance de son pays sont incompatibles avec la présence de bases militaires étrangères, même si cela ne signifie pas une rupture totale avec Paris. Ainsi, il est temps de considérer des partenariats dépourvus de présence militaire, selon les déclarations de Sall du 28 novembre 2024.

En parallèle de ces déclarations du Sénégal, le Tchad a annoncé par le biais d’un communiqué de son ministère des Affaires étrangères la résiliation d’un accord de coopération en matière de défense avec la France, amendé en 2019, nécessitant le départ des forces françaises. Cette décision pourrait donner au Tchad, un allié clé dans la guerre occidentale contre les extrémistes, la possibilité de réévaluer ses partenariats stratégiques avec la France, imposant ainsi sa pleine souveraineté après 66 ans d’indépendance. Cette décision pourrait avoir un impact significatif sur la nature des relations entre les deux pays, les redirigeant d’inquiétudes militaires vers une coopération constructive dans d’autres domaines. Actuellement, il convient de noter que Paris a environ mille soldats et avions stationnés au Tchad.

La tournée du ministre français des Affaires étrangères en Afrique :

Le 27 novembre 2024, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noel Barrot a entrepris une tournée en Afrique subsaharienne – la première visite depuis sa prise de fonction en septembre – couvrant le Tchad, l’Éthiopie et le Sénégal à un moment où Paris est censé annoncer une réduction significative de sa présence militaire sur le continent. L’objectif est de restaurer son influence par des canaux diplomatiques et humanitaires plutôt que principalement par la présence militaire, selon ses déclarations.

Au Tchad, la France utilise son bras humanitaire, Barrot visitant la ville d’Adré près de la frontière orientale avec le Soudan pour réaffirmer l’engagement de la France envers ses promesses humanitaires. La crise au Soudan reste un point focal pour la France avec un plan de retour en Afrique par le biais d’efforts d’assistance, ayant organisé une conférence de donateurs en avril qui a sécurisé des engagements d’environ 2 milliards d’euros.

En Éthiopie, berceau de l’Union africaine, la France tente d’utiliser sa dynamique réformiste tout en soutenant les exigences de l’UA pour une meilleure représentation et une coopération plus étroite avec l’ONU. Elle soutient des propositions pour deux sièges permanents pour l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU. Notamment, la France cherche à remodeler sa présence militaire en Afrique, masquant ses efforts derrière l’aide humanitaire et la coopération économique avec des pays en dehors de ceux dans lesquels elle a échoué auparavant.

Au Sénégal, la France doit participer le 1er décembre 2024 aux commémorations du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, où des soldats sénégalais ont été tués par des forces coloniales françaises. Le président Sall a confirmé avoir reçu une lettre de Macron le 28 novembre reconnaissant la responsabilité totale de la France dans ce massacre, survenu à Dakar en décembre 1944, le considérant comme un pas significatif de la part de Macron.

Retraits français précédents du Sahel et du Sahara :

À la fin de l’année dernière, un rideau était tombé sur l’influence coloniale française dans le Sahel et le Sahara, avec sa présence, particulièrement au Mali, au Burkina Faso et au récent départ du Niger, notablement diminuée. La formation d’une coalition entre les États du Sahel a marqué un coup significatif à l’influence française, largement remplacée par une présence russe. Ce changement a poussé l’Élysée à réévaluer ses politiques et son approche envers les pays africains—envisageant un “remplacement et un changement” des nations dont elle s’est retirée avec de nouveaux partenaires, loin de la politique de “Françafrique”. Cependant, la question demeure de savoir si la France s’engagera sur cette voie ou sera influencée par son passé colonial.

La visite de Tinubu en France : La visite du président Bola Tinubu à l’Élysée les 28 et 29 novembre 2024 marque la première visite d’un président nigérian en France depuis 24 ans, visant à solidifier la coopération et à développer de nouveaux partenariats entre les acteurs économiques des deux pays. Cela souligne les efforts de la France pour se rétablir en Afrique après ses échecs au Sahel, cherchant de nouveaux partenaires au-delà de ceux dont elle s’est précédemment retirée.

Importance de la visite : Cette visite intervient alors que l’influence française décline dans le Sahel, suite à une série de coups d’État militaires en Afrique, qui ont poussé de nombreux pays à reconsidérer leurs positions envers leur ancien colonisateur. La visite signifie un moment critique pour le président Emmanuel Macron, qui s’efforce de renouveau et recherche de nouveaux partenaires. La visite de Tinubu représente une occasion d’approfondir les relations dynamiques entre Paris et Abuja, d’autant plus que le Nigeria est le premier producteur de pétrole d’Afrique et possède une industrie cinématographique solide. Pour le Nigeria, ce voyage représente une opportunité d’attirer des investissements économiques, visant à établir des relations dans l’agriculture, la sécurité, l’éducation et la santé, en plus de l’engagement des jeunes, de l’innovation et de la transition énergétique.

Pourquoi l’Afrique anglophone ?

La nouvelle stratégie de Macron en Afrique cherche à contrebalancer l’influence décroissante de la France, se tournant à nouveau vers des pays comme le Nigeria en 2018, l’Éthiopie en 2019 et l’Afrique du Sud en 2021, en raison d’échecs précédents au Sahel. Cela a accéléré la diversification des partenariats et la recherche de nouveaux acteurs actifs dans la région. La visite de Tinubu reflète l’approche de Paris envers l’Afrique anglophone, s’éloignant des politiques francophones inefficaces et élargissant les partenariats avec les nations anglophones pour regagner son influence.

Avenir de la présence française en Afrique :

Les dynamiques actuelles entre Paris et l’Afrique représentent un réagencement des relations. Il y a une aversion croissante parmi les Africains envers le maintien d’une présence militaire, reflétant un désir de mettre fin à l’empire colonial français de manière décisive et d’éradiquer ses vestiges. Les étapes prises par le Tchad et le Sénégal résonnent avec ce sentiment. Sur la base de ces tendances, nous pouvons anticiper plusieurs voies potentielles pour les relations “franco-africaines” dans un avenir proche :

Première voie : Diversification des partenariats :

Les conditions suggèrent que la France pourrait modifier sa stratégie en Afrique, passant d’une stratégie militaire à la diversification des partenariats à travers le continent, en s’engageant activement dans des projets d’investissements économiques plus larges et en renforçant les liens politiques avec les dirigeants africains, surtout à mesure que l’influence russe s’étend, devenant un partenaire de plus en plus acceptable sur la base d’une histoire non coloniale, en contraste avec la popularité décroissante de la France.

Deuxième voie : Contournement et réorientation : Considérant les mouvements parallèles mis en œuvre par les autorités françaises—tels que la visite du ministre des Affaires étrangères en Afrique tout en accueillant simultanément le président nigérian—il existe des indications que la France cherche à restaurer à nouveau son influence. Cela pourrait inclure un remaniement des partenariats et la création de nouveaux alliés par le biais d’initiatives économiques, qui pourraient servir de prétexte à l’établissement de nouvelles bases militaires distinctes des précédentes, réitérant ainsi des schémas historiques dans d’autres nations tout en utilisant des motifs économiques comme façade pour des objectifs plus profonds. Ce scénario semble plausible, particulièrement à long terme.

Troisième voie : Déclin de l’influence française :

Macron vise à trouver de nouveaux points d’ancrage dans le paysage concurrentiel des diverses forces en Afrique. Cependant, l’éthique et le leadership africains ont atteint un point de rupture concernant l’héritage du colonialisme, particulièrement étant donné le succès limité de la France dans la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Par conséquent, il y a un risque que la France perde sa pertinence sur le continent, surtout après ses échecs manifestés dans le Sahel. Alors que cet outcome potentiel pourrait sembler peu probable, étant donné les efforts continus de la France pour reprendre son influence passée et l’illusion d’empire, il reste une considération critique.

Conclusion :

La francophonie française a prouvé son inefficacité en Afrique, en particulier dans ses territoires occidentaux où l’influence française a diminué. Néanmoins, Paris tente de trouver de nouveaux partenaires, en particulier dans les pays anglophones, cherchant à se repositionner. Ainsi, la visite de Tinubu porte des implications significatives, guidant potentiellement l’Élysée dans la rétablissement des liens avec l’Afrique par le biais du Nigeria, forgeant des relations plus étroites, et modifiant simplement les alliances de la région, divergeant des nations où la France a échoué. Paris intensifiera probablement ses efforts pour établir de nouvelles relations et échanges formels avec divers pays africains dans un avenir proche.

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SAKHRI Mohamed
SAKHRI Mohamed

Je suis titulaire d'une licence en sciences politiques et relations internationales et d'un Master en études sécuritaire international avec une passion pour le développement web. Au cours de mes études, j'ai acquis une solide compréhension des principaux concepts politiques, des théories en relations internationales, des théories sécuritaires et stratégiques, ainsi que des outils et des méthodes de recherche utilisés dans ces domaines.

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