L’Organisation internationale de la Francophonie a été fondée le 20 mars 1970 à Niamey, au Niger, sous le nom d’« Agence de coopération culturelle et technique ». Cette initiative a été menée par trois chefs d’État africains : Hamani Diori (Niger), Léopold Sédar Senghor (Sénégal) et Habib Bourguiba (Tunisie), dans le but principal de promouvoir la coopération entre les pays francophones.
Au fil du temps, l’agence a évolué pour devenir l’« Organisation internationale de la Francophonie ». Aujourd’hui, l’organisation compte 54 États membres, sept membres associés et 27 pays observateurs. Elle joue un rôle clé dans la promotion de la langue française et le renforcement de la coopération entre les nations francophones.
De manière générale, l’Organisation internationale de la Francophonie vise à atteindre plusieurs objectifs, notamment la valorisation de la langue française et le renforcement de la solidarité entre les États membres.
Le 18 mars 2025, le Mali, actuellement dirigé par une autorité militaire, a annoncé son retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie, seulement un jour après que ses voisins, le Niger et le Burkina Faso, aient pris la même décision. Le Mali a justifié sa position en indiquant que l’Organisation internationale de la Francophonie agissait d’une manière contraire aux principes constitutionnels basés sur la souveraineté de l’État malien.
Le G5 Sahel (Niger, Burkina Faso et Mali) a également estimé que l’Organisation internationale de la Francophonie n’avait pas soutenu le Mali dans la réalisation des aspirations légitimes de son peuple, imposant plutôt des sanctions sélectives et montrant du mépris pour la souveraineté du pays, notamment après la suspension de l’adhésion de la République du Mali à l’organisation en août 2020, suite au coup d’État militaire qui a renversé le président élu Ibrahim Boubacar Keïta.
Lors de la Semaine de la langue française et de la Francophonie, le régime militaire du Niger a annoncé son retrait de l’organisation. La souveraineté nationale a été une priorité pour le régime militaire qui est arrivé au pouvoir en juillet 2023 par le biais d’un coup d’État, rompant ses relations avec plusieurs partenaires occidentaux, et notamment la France.
Le 17 mars 2025, le gouvernement du Niger a informé la présidence du sommet de la Francophonie qu’il avait décidé de manière souveraine de se retirer de l’Organisation internationale de la Francophonie, et une note similaire a été envoyée à la France, alors que Paris occupe actuellement la présidence du sommet.
Selon les déclarations des dirigeants des trois pays, la décision de retrait a été prise conformément à l’article 10 de la charte de l’Organisation internationale de la Francophonie, qui stipule que « tout membre peut se retirer de l’organisation par notification au gouvernement du pays qui préside le sommet, ou au gouvernement du pays où se trouve le siège de l’organisation ». Le retrait prendra effet six mois après la date de notification officielle.
Le communiqué de presse publié par la conférence des chefs d’État des trois pays du Sahel le 18 mars 2025 reflète la rupture définitive entre eux et l’Organisation internationale de la Francophonie.
Contextes à Comprendre L’Union des États du Sahel considère que l’Organisation internationale de la Francophonie a appliqué des sanctions de manière sélective, en fonction de considérations géopolitiques, depuis les transformations politiques dans les trois pays. Les dirigeants de l’union ont exprimé leur regret face à ce qu’ils qualifient d’indifférence de l’organisation à l’égard de la souveraineté de ces pays, la rendant plutôt qu’un instrument de soutien à leurs aspirations légitimes, un outil politique. Ils ont affirmé avoir contribué à la fondation et au renforcement de cette organisation durant 55 ans.
Le communiqué indique : « Depuis le début de la phase de transition au Mali, puis au Burkina Faso et au Niger, au lieu d’accompagner ces États dans la réalisation des aspirations légitimes de leurs peuples, conformément à ses objectifs de paix, de coopération et de solidarité, l’organisation s’est signalée par l’imposition de sanctions sélectives basées sur des considérations géopolitiques, avec un mépris manifeste pour leur souveraineté. »
En outre, le communiqué précise : « Le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger, au regard des principes de proximité entre les peuples par le biais d’une coopération multilatérale visant à promouvoir la diversité linguistique et culturelle et le dialogue entre les civilisations, ont participé activement en tant que membres fondateurs au Sommet de Niamey, lors duquel le 20 mars 1970, l’Agence de coopération culturelle et technique a été établie, qui est devenue l’Agence gouvernementale internationale de la Francophonie en 1998, puis l’Organisation internationale de la Francophonie en 2005. »
En plus de ces contextes directs, il existe des contextes indirects, notamment le désir des autorités militaires dans tous les pays du Sahel de se libérer de tous les symboles du colonialisme français, après le retrait des troupes françaises qui étaient stationnées dans leurs pays, ainsi que de toutes les autres forces étrangères, y compris européennes et américaines. Ces autorités militaires reprochent à la France d’être impliquée dans leurs problèmes nationaux, l’accusant de jouer un double jeu dans la lutte contre le terrorisme, en s’alignant publiquement avec ses gouvernements tout en soutenant secrètement les terroristes. De plus, elles l’accusent d’avoir exploité leurs richesses depuis la colonisation jusqu’après l’indépendance de leurs pays, affirmant que les dirigeants politiques ont comploté avec la France contre leurs propres peuples pendant des décennies après l’indépendance pour préserver leurs fauteuils. Elles se considèrent aujourd’hui comme des libérateurs de leurs nations face à cet héritage colonial, ce qui a conduit à une séparation définitive d’avec la France, car elles ne souhaitent plus rester sous aucune tutelle qui les relierait à elle.
Quelles seront les Conséquences du Retrait ? Pour le Niger, qui a été le berceau de la Francophonie et qui a accueilli la conférence constitutive de l’organisation, son retrait représente – même symboliquement – une perte considérable pour la Francophonie en tant que membre fondateur. Il est essentiel de rappeler que la ville de Niamey a été le lieu de création de l’« Agence de coopération culturelle et technique », qui a donné naissance à l’Organisation internationale de la Francophonie le 20 mars 1970, à l’initiative du président nigérien de l’époque, Hamani Diori, l’un des pères fondateurs de la Francophonie institutionnelle.
Depuis le coup d’État militaire du 26 juillet 2023, qui a entraîné la suspension de l’adhésion du Niger à l’organisation, les relations avec la France se sont considérablement détériorées, menant à l’annonce du retrait le 17 mars 2025. La porte-parole de l’Organisation internationale de la Francophonie, Oriak Vandiouyegi, a qualifié cette décision de « regrettable », mais n’a pas écarté la possibilité de continuer la coopération avec Niamey, déclarant que « le secrétaire général de l’organisation sollicitera l’avis des États membres pour voir comment la Francophonie peut rester engagée avec les peuples de ces pays. Nous avons des projets en cours; le retrait du Niger doit-il nous en priver ? La Francophonie se soucie des communautés francophones, même dans les pays non membres, donc il n’y a aucune raison de mettre fin à cette coopération avec le Niger. »
En ce qui concerne le Mali, il représente également un fort symbole de la Francophonie institutionnelle, malgré ses accusations à l’encontre de la Francophonie d’appliquer des normes doubles dans les sanctions. Sa note de retrait a également rappelé son rôle historique au sein de l’organisation, laissant ainsi la porte ouverte à un rétablissement des relations dans le futur. La République du Mali, membre fondateur de l’Agence de coopération culturelle et technique qui est devenue par la suite l’Organisation internationale de la Francophonie, a beaucoup contribué à la construction et au renforcement de cette organisation. Le Mali a également montré à plusieurs reprises son attachement aux valeurs et idéaux que promeut la Francophonie.
Quant au Burkina Faso, elle n’a pas fourni beaucoup de détails sur ses motivations de retrait, mais il est clair que cela est lié aux mêmes facteurs qui ont poussé le Niger et le Mali à prendre la même décision. L’État, qui était un membre fondateur majeur de la Francophonie, adopte désormais une position similaire à celle de ses voisins, partageant la même orientation politique anti-France, leur décision commune de se retirer de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ainsi que leur tendance vers de nouveaux partenariats internationaux, notamment le rapprochement avec la Russie.
En ce qui concerne l’Organisation de la Francophonie, son économie représente des possibilités importantes en raison de la taille de son marché et de la diversité des économies de ses membres. Selon le rapport de l’organisation de 2022, l’espace économique de la Francophonie représente 16 % du PIB mondial et 20 % du commerce mondial, représentant près de 15 % des ressources énergétiques et minérales dans le monde. Les pays francophones comptent également de nombreux pays émergents, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale, qui connaissent une forte croissance économique.
De plus, les économies des États membres de la Francophonie partagent souvent des caractéristiques communes, telles qu’un passé colonial, des liens commerciaux et des pratiques juridiques, ce qui peut faciliter les échanges commerciaux et les investissements entre ces pays. La Francophonie fournit également un cadre politique et institutionnel pour la coopération économique, par exemple à travers la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), un accord de libre-échange entre 54 pays africains, dont plusieurs sont des membres francophones, ou la Zone euro, l’Union européenne, l’accord de libre-échange complet et approfondi, et l’accord économique et commercial global, qui inclut un certain nombre de pays francophones.
L’espace francophone (88 États et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie) représente 16 % du PIB mondial et affiche un taux de croissance économique de 7 %.
Ainsi, le retrait des États de la Confédération du Sahel aura des répercussions sur les partenariats culturels, éducatifs, sportifs et artistiques, ainsi que sur le soutien financier. Cela mettra fin à plusieurs projets financés au profit des jeunes. De plus, l’avenir des employés de la CEDEAO travaillant dans la Conférence des ministres de la jeunesse et des sports et la Conférence des ministres de l’Éducation nationale, deux instances créées par l’Organisation internationale de la Francophonie, sera incertain.
L’organisation soutient également financièrement le Festival du cinéma et de la télévision africain (FESPACO) à Ouagadougou depuis le début des années 1970. Lors de sa dernière édition, 34 pays africains ont reçu un soutien de la Francophonie. L’organisation a contribué à la production de centaines d’œuvres cinématographiques et télévisuelles, notamment en 1988 avec la création d’un Fonds images.
En rompant leurs relations avec l’Organisation de la Francophonie, les dirigeants maliens, nigériens et burkinabés ne bénéficieront plus de financements de cette organisation et perdront l’accès à de nombreuses activités soutenant la culture, l’éducation et le développement de la paix et de la démocratie.
L’utilisation de la langue française pourrait décliner, car ces pays pourraient réduire leur dépendance au français en tant que langue officielle ou éducative, ce qui pourrait renforcer la place des langues locales (comme le bambara et le fulfulde, entre autres). Cependant, cela pourrait faire face à des défis logistiques, tels que le manque de matériel éducatif dans les langues locales ou la nécessité de restructurer les systèmes éducatifs. Ces pays pourraient également souffrir de la perte d’accès aux ressources francophones en raison de l’absence de soutien financier et technique que l’organisation apporte dans les domaines de l’éducation et de la culture, comme les bourses d’études ou les programmes de formation pour enseignants. De même, ce retrait pourrait être accompagné de politiques visant à revendiquer le patrimoine culturel local, telles que les arts traditionnels, la musique et la littérature, ce qui renforcerait l’identité africaine et réduirait l’impact colonial précédent. Toutefois, les élites intellectuelles qui s’appuient sur le français pour leurs productions culturelles pourraient rencontrer des difficultés d’adaptation à la transition vers les langues locales. Les occasions de participation à des événements culturels, tels que des festivals ou des expositions, pourraient diminuer, ce qui affaiblirait la présence internationale de ces pays, les amenant ainsi à renforcer leurs relations avec des organisations africaines comme l’Union africaine ou des pays anglophones ou arabophones, ce qui pourrait donner lieu à l’émergence de canaux médiatiques dans des langues locales ou à un soutien renforcé à l’arabe dans le contexte d’un rapprochement avec le monde arabe, stimulant ainsi la créativité dans les langues locales.
La cessation de la coopération avec l’Organisation de la Francophonie pourrait entraîner pour ces pays la perte de réseaux de soutien culturel qui contribuaient au développement de secteurs tels que les archives nationales ou les musées, et pourrait entraîner l’émigration de personnes cultivées ou d’artistes qui dépendent de la Francophonie vers d’autres pays, affaiblissant ainsi le paysage culturel local.
Conclusion Le retrait pourrait réduire l’utilisation de la langue française, ce qui aurait un impact sur les programmes d’éducation bilingue et les échanges culturels avec les pays francophones. Cela pourrait également entraîner une diminution du financement international et de la coopération en matière de recherche avec les pays de la Francophonie, affectant ainsi des projets de recherche scientifique communs. Ce retrait pourrait limiter les opportunités d’échange académique entre les pays du Sahel et les pays francophones, influençant la mobilité des étudiants et des enseignants. Dans l’ensemble, ce retrait pourrait renforcer la souveraineté culturelle et diminuer la dépendance à la France, mais cela nécessite un investissement local considérable pour compenser le vide résultant. Ainsi, les conséquences pourraient être mixtes : positives sur le plan de l’identité, mais accompagnées de défis économiques et logistiques.

Subscribe to our email newsletter to get the latest posts delivered right to your email.
Comments