Dans une interview accordée au magazine Time le 24 avril 2025, le président américain Donald Trump a déclaré que la péninsule de Crimée resterait sous contrôle russe. Plus tôt dans le mois, un projet d’accord de paix en Ukraine avait émergé, avec les États-Unis avançant vers la reconnaissance de l’annexion de la Crimée par la Russie. Cette approche a été fermement rejetée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a affirmé que la Crimée est un territoire ukrainien qui ne peut être cédé. De manière similaire, les Européens ont maintenu une position comparable, proposant un plan de négociation alternatif qui reporterait les discussions sur les questions régionales jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu complet soit atteint, soulignant ainsi une divergence au sein du camp occidental concernant les conditions d’un règlement en Ukraine.

Objection européenne

La position européenne sur l’annexion de la Crimée par la Russie repose sur plusieurs considérations :

Rejet de principe de toute reconnaissance de l’annexion russe :

L’Union européenne adopte une position légale et morale stricte qui refuse de reconnaître la souveraineté russe sur la Crimée, découlant de son engagement envers le droit international et le respect de la souveraineté des États. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a souligné que toute éventuelle reconnaissance américaine de l’annexion légitimerait l’occupation militaire. Cette position n’est pas simplement une expression de solidarité avec l’Ukraine, mais défend les règles de l’ordre mondial qui interdisent l’expansion militaire et l’imposition de faits sur le terrain. Par conséquent, les Européens estiment que toute concession sur la question de la Crimée établirait un précédent dangereux qui menace la stabilité du continent et affaiblit la dissuasion contre les ambitions expansionnistes dans d’autres régions du monde.

Craintes de conséquences similaires à la politique d’apaisement de 1938 :

L’approche américaine visant à reconnaître l’annexion de la Crimée rappelle l’Accord de Munich de 1938, au cours duquel les puissances européennes ont fait des concessions à l’Allemagne nazie aux dépens de la Tchécoslovaquie dans une tentative d’éviter la guerre. Les Européens perçoivent qu’accepter une politique similaire envers la Russie pourrait déstabiliser le système de sécurité européen, comme cela s’est produit après Munich. Les diplomates européens craignent que la reconnaissance de l’annexion « encourage Moscou à poursuivre ses politiques expansionnistes ». Par conséquent, les responsables européens avertissent qu’un tel parcours sape les fondements de la paix en Europe établis après la Seconde Guerre mondiale, menaçant de déclencher une nouvelle vague de conflits régionaux.

Insistance française sur le fait que la source de la crise est Moscou, et non Kyiv :

La France s’est affirmée comme une nation leader rejetant toute attribution de blâme à l’Ukraine pour le conflit en cours. Lors de remarques faites par le président Emmanuel Macron lors de sa visite à Madagascar le 24 avril 2025, il a souligné que le mécontentement américain devait se concentrer uniquement sur Poutine, indiquant que « Moscou est l’agresseur et responsable de la continuation de la guerre, et non Kyiv ». Cette position reflète une approche diplomatique française qui refuse d’imposer des pressions sur Kyiv pour forcer des concessions concernant sa souveraineté tout en fermant les yeux sur les actions russes. Macron a également déclaré que la question de la Crimée ne devrait pas être abordée pour le moment, affirmant que cette affaire ne peut être résolue que conformément au droit international et avec le consentement des parties concernées, et non par des accords imposés de l’extérieur.

Craintes européennes d’un abandon de la sécurité du continent par les États-Unis :

Le rapprochement croissant entre les États-Unis et la Russie, notamment à la suite des visites fréquentes de Steve Whitehouse en Russie et de ses quatre réunions avec le président Vladimir Poutine, la dernière ayant eu lieu le 25 avril 2025, soulève de vives préoccupations en Europe concernant un possible retrait stratégique de Washington de ses engagements en matière de sécurité sur le continent. Certains cercles européens craignent que tout accord bilatéral entre Washington et Moscou ne marginalise les intérêts européens et redessine la carte d’influence en Europe de l’Est sans la participation européenne.

Ce scénario pousse l’Europe à renforcer son indépendance en matière de défense, comme en témoignent les initiatives visant à renforcer les capacités militaires collectives européennes en dehors de l’OTAN. Par conséquent, toute déviation de la politique américaine concernant l’Ukraine devient un catalyseur pour l’Europe afin d’accélérer la construction d’un système de sécurité indépendant en prévision de positions américaines imprévues à l’avenir.

Avertissements contre l’ouverture de portes aux conflits frontaliers dans d’autres zones :

Les dirigeants européens mettent en garde que la reconnaissance américaine de l’annexion de la Crimée pourrait créer un précédent dangereux incitant à l’escalade des différends frontaliers dans des zones comme le Caucase ou les Balkans, où des tensions existantes attendent de tels signaux pour exploser. De plus, la Chine pourrait voir cette reconnaissance américaine comme un précédent justifiant son expansion d’influence en mer de Chine méridionale.

Pour cette raison, l’Europe considère la question de la Crimée comme transcendant les frontières ukrainiennes, devenant une question liée au maintien de l’ordre international qui empêche les changements de frontières par la force. Ainsi, le refus de reconnaître l’annexion russe fait partie d’une stratégie européenne plus large visant à protéger la stabilité du système international et à empêcher la répliquation du modèle criminel dans d’autres zones géopolitiquement sensibles.

Alignement de la position européenne sur la demande de préserver l’unité de l’Ukraine : Les Européens considèrent que l’intégrité territoriale de l’Ukraine n’est pas seulement une question ukrainienne mais un enjeu de sécurité continentale. Paris, Berlin et Londres expriment cette position par un soutien continu à l’Ukraine, ainsi qu’un rejet clair de toute solution de négociation qui pourrait impliquer des concessions territoriales. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de sa rencontre avec Volodymyr Zelensky le 26 avril 2025, a affirmé son soutien à l’atteinte d’une paix juste et durable qui maintienne l’unité ukrainienne, indiquant un rejet de tout accord qui obligerait Kyiv à céder la Crimée. De plus, la Grande-Bretagne et la France, en tant que puissances nucléaires, se sont engagées à fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine dans tout scénario futur, renforçant encore la position européenne contre la légitimation des résultats de l’agression russe.

Futur des négociations

La position ferme de l’Europe contre l’annexion de la Crimée aura des implications directes sur les négociations concernant l’Ukraine :

Frustration potentielle des solutions rapides que Washington cherche à imposer : Le refus européen de reconnaître l’annexion de la Crimée a contribué à perturber le plan de paix proposé par Poutine à l’envoyé américain Steve Whitehouse début avril 2025, comme l’a rapporté le Financial Times. Ce plan incluait des dispositions pour consolider la souveraineté russe sur la Crimée en échange d’une cessation des hostilités, mais il a fait face à un rejet européen pur et simple. Ce conflit a conduit au report du sommet de Londres prévu pour le 23 avril 2025, dont l’objectif était de discuter des détails de cette initiative, perturbant ainsi les efforts américains pour parvenir à un accord rapide afin de mettre fin au conflit, les Européens considérant ces règlements comme ne s’attaquant pas aux causes profondes du problème mais plutôt en consolidant le statut d’occupation, prolongeant les négociations et compliquant l’obtention d’une solution définitive.

Renforcement du rôle européen en tant qu’acteur central dans tout processus de négociation : Le report du sommet de Londres consacré aux négociations de paix concernant l’Ukraine, qui devait rassembler les États-Unis, l’Europe et l’Ukraine, souligne l’ampleur des désaccords existants entre les parties, notamment concernant les propositions américaines qui incluaient la reconnaissance du contrôle russe sur la Crimée. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio devait participer à ce sommet ; cependant, sa participation a été annulée et il a été remplacé par l’envoyé spécial des États-Unis pour l’Ukraine, le général Keith Kellogg, abaissant le niveau de représentation américaine dans les négociations.

Dans ce contexte, la réunion tenue à Paris à l’Élysée le 17 avril 2025, réunissant des représentants des États-Unis, de l’Europe (France, Grande-Bretagne et Allemagne) et de l’Ukraine, a constitué une étape significative démontrant la détermination des Européens à travailler en collaboration avec Kyiv pour un cessez-le-feu complet, garantissant qu’aucun accord ne porte atteinte aux intérêts souverains de l’Ukraine. Cette réunion a reflété les efforts des Européens pour renforcer leur présence dans les négociations relatives à l’Ukraine et empêcher leur marginalisation dans tout règlement potentiel.

Soutien accru à Kyiv pour renforcer sa position de négociation : Face aux pressions américaines visant à pousser l’Ukraine à accepter des concessions territoriales, les Européens adoptent une stratégie de soutien à la résilience de Kyiv tant militairement que politiquement pour améliorer ses conditions de négociation au lieu de céder à des demandes qui menacent son intégrité territoriale. Ce soutien se manifeste par une intensification de l’aide militaire et des programmes de reconstruction visant à renforcer la position de l’Ukraine contre Moscou. Récemment, ces pressions ont augmenté alors que le président Donald Trump intensifiait sa rhétorique contre le président Volodymyr Zelensky, l’accusant sur sa plateforme Truth Social de manquer de leviers tout en exprimant son mécontentement à l’égard des déclarations intransigeantes de Kyiv concernant la Crimée à un moment où il perçoit qu’un accord avec la Russie est imminent.

En réponse, Zelensky a publié le 23 avril 2025 une déclaration officielle de l’administration américaine datant de 2018 (sous l’administration précédente de Trump), réitérant son rejet de l’annexion à cette époque, reflétant ainsi l’engagement de Kyiv envers ses positions de principe malgré le changement d’humeur politique à Washington. Dans ce contexte, les Européens continuent de soutenir la position ukrainienne pour empêcher Kyiv de se retrouver isolée face aux pressions conjointes américaines et russes.

Stimuler la discussion sur l’avenir de la sécurité européenne : La fracture entre les États-Unis et l’Europe concernant la reconnaissance de l’annexion de la Crimée pourrait accélérer les discussions concernant le renforcement de la sécurité indépendante européenne, alors que de grandes nations européennes comme la France et l’Allemagne envisagent, surtout après le retour au pouvoir de Trump, le développement d’un système de défense collective indépendant capable de relever les défis régionaux sans dépendre excessivement de l’OTAN ou des États-Unis. Cette vision se reflète dans des plans d’augmentation des dépenses de défense européennes et le développement d’industries militaires communes comme étape pour fortifier le continent contre les menaces potentielles futures découlant de règlements unilatéraux entre Washington et Moscou, qui pourraient négliger les considérations de sécurité européennes complètes.

Développer une approche européenne globale pour compenser les limitations des règlements américains en Ukraine : L’échec du cessez-le-feu partiel visant à protéger les infrastructures énergétiques, qui avait été convenu lors d’un appel téléphonique entre Trump et Poutine le 18 mars 2025, a motivé les Européens à intensifier leur coopération avec l’Ukraine dans des domaines stratégiques liés à l’énergie et à la reconstruction. Ce cessez-le-feu, entré en vigueur le 25 mars 2025 pour une durée de trente jours, a connu des violations répétées, avec 29 violations russes enregistrées au 11 avril 2025, selon l’accusation américaine.

Après qu’il soit devenu clair que le cessez-le-feu partiel n’avait pas réussi à atteindre la stabilité sur le terrain en raison de l’absence de mécanismes de contrôle efficaces, les Européens tenteront de combler les lacunes mises en évidence par les approches américaines limitées, qui s’étaient concentrées sur des règlements partiels qui ne tenaient pas sur le terrain, en s’efforçant de construire une base solide pour tout règlement complet qui protège les intérêts ukrainiens et renforce sa résilience face aux pressions russes persistantes.

Prolonger la guerre comme option moins coûteuse que des concessions souveraines : Le blocage des négociations entre les parties impliquées dans le conflit ukrainien pourrait prolonger la guerre – un scénario que les capitales européennes anticipent mais jugent simultanément moins dommageable que d’accepter des concessions affectant la souveraineté ukrainienne. Du point de vue européen, respecter les principes juridiques liés à l’intégrité territoriale des États est une priorité qui ne peut pas être sacrifiée sous la pression de règlements rapides. Cette position se trouve exemplifiée dans le refus des Européens de céder la Crimée dans le cadre d’un accord de paix, malgré les pressions américaines visant à régler le conflit, ce qui pourrait concrètement signifier consolider le contrôle de Moscou sur près de 18,5 % du territoire ukrainien (c’est-à-dire la Crimée et de grandes parties de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporijjia). L’Europe considère le soutien militaire et économique continu à Kyiv comme un moyen d’empêcher la Russie d’imposer un fait accompli, renforçant ainsi la résilience de l’Ukraine face à toute pression de négociation. Ce soutien européen coïncide avec un déclin de l’intérêt public américain pour la question ukrainienne, les sondages montrant que 77 % des soutiens républicains estiment que Washington n’est pas responsable de défendre l’Ukraine contre la Russie, ajoutant une pression sur l’administration américaine pour qu’elle recherche un règlement rapide.

Menacer l’unité de la position occidentale dans toute crise future: Le désaccord américano-européen concernant la Crimée pourrait contribuer à approfondir la division au sein du camp occidental, affaiblissant ainsi son unité face à d’autres crises, comme celles de la mer de Chine méridionale ou du programme nucléaire iranien. Les capitales européennes perçoivent que le rapprochement entre Washington et Moscou, à travers des réunions répétées entre Whitehouse et Poutine, envoie des signaux trompeurs aux autres puissances mondiales, suggérant que l’Occident n’est plus uni. Par conséquent, les Européens s’accrochent à leur position refusant de reconnaître l’annexion de la Crimée comme un moyen d’assurer la résilience européenne future face à des défis similaires.

En conclusion, malgré la pression américaine pour parvenir à un accord de paix rapide mettant fin au conflit ukraino-russe, l’Europe insiste sur la nécessité de concilier l’urgence de mettre fin à la souffrance humanitaire, d’une part, et la préservation des principes juridiques qui empêche de récompenser l’agression, d’autre part. Cet équilibre difficile entre la fin de la guerre et le maintien de la souveraineté ukrainienne rend le processus de négociation complexe, les Européens cherchant à empêcher l’imposition d’un règlement qui pourrait mettre fin temporairement aux hostilités mais menacer la stabilité à long terme de l’Europe.

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